MOTHER!
Réalisation : Darren Aronofsky
Scénario : Darren Aronofsky
Image : Matthew Libatique
Décors : Philip Messina
Costumes : Danny Glicker
Son : Craig Henighan
Montage : Andrew Weisblum
Musique : Jóhann Jóhannsson
Producteur(s) : Scott Franklin, Ari Handel
Production : Protozoa Pictures
Interprétation : Jennifer Lawrence (la Mère), Javier Bardem (Lui), Ed Harris (l’Homme), Michelle Pfeiffer (la Femme), Brian Gleeson (le Frère cadet), Domhnall Gleeson (le Fils aîné), Kristen Wiig (l’Éditrice)…
Distributeur : Paramount Pictures France
Date de sortie : 13 septembre 2017
Durée : 1h55
Malgré un casting prestigieux et une mise en scène maîtrisée, Mother ! ne touche pas au chef-d’œuvre qu’il prétend être. Darren Aronofsky est de retour en grande pompe mais en petite forme.
Un couple voit sa relation remise en question par l’arrivée d’invités imprévus, perturbant leur tranquillité.
Il était attendu au tournant, Darren Aronofsky. Le revoilà en cette rentrée avec un nouveau film écrit et réalisé par lui : Mother !, présenté à la dernière Mostra de Venise et au Festival de Deauville. Trois ans et demi après Noé, blockbuster bancal, le réalisateur de Black Swan a-t-il réussi son grand retour dans le drame psychologique ? Plus ou moins.
Huis clos de deux heures, inégales mais néanmoins intenses, Mother ! est construit sur le même mode dramaturgique que la tragédie racinienne. La bienséance manque à l’appel – ce qui n’est pas grave ici – mais les unités d’action, de lieu et les cinq actes sont au rendez-vous.
Scène d’exposition : elle (Jennifer Lawrence) et lui (Javier Bardem) vivent heureux et épanouis dans une jolie maison encore en chantier au milieu de la campagne. Lui est un écrivain en manque d’inspiration, elle enduit les murs nus de ce qui semble être une future chambre d’enfant, dans la lumière chaleureuse et rassurante du chef opérateur Matthew Libatique… et le silence inquiétant de son mari et de sa maison. Serions-nous là dans un remake du Rosemary’s Baby de Polanski ? Pas vraiment, malgré une référence évidente.
Élément perturbateur : un homme (Ed Harris), surpris par la tombée du jour, vient trouver refuge dans la maison du couple. Il dit être docteur et prétend adorer le travail d’écrivain de son hôte. Flatté, celui-ci l’invite à séjourner chez lui avec son épouse (Michelle Pfeiffer), délaissant un peu plus sa femme qui se retrouve à jouer les Cendrillon. L’on retrouve ici la cruauté assez irritante d’Aronofsky envers les femmes. De The Fountain à Black Swan en passant par Requiem for a Dream, rares sont les films dans lesquels la gente féminine trouve grâce et reconnaissance à ses yeux.
Et pourtant, le réalisateur semble fasciné par son héroïne – ou peut-être est-il simplement envoûté par les jolis traits de Jennifer Lawrence. Sa caméra ne la quitte pas d’une semelle dès lors qu’elle apparaît pour la première fois dans son cadre, à grand renfort de gros plans sur le visage de l’actrice, de travellings frontaux sur ses cheveux, sa nuque, son dos et ses épaules, et de plans subjectifs. Puisque le mari est incapable de s’intéresser à sa femme, c’est le cinéaste et, par voie de conséquence, le spectateur, qui s’en chargent. Ainsi la première heure du film témoigne-t-elle de véritables partis pris esthétiques et filmiques. La tension et l’inquiétude grandissantes de l’héroïne sont palpables, les mouvements de caméras maîtrisés et le montage dynamique.
Finalement, c’est dans le troisième acte de la tragédie – celui où rien n’est joué et où tous les espoirs sont encore permis – que le film trouve sa fatale limite : après la dispute de ses deux fils, le couple formé par Harris et Pfeiffer quitte finalement la maison. Trêve de courte durée pour la pauvre Jennifer Lawrence, qui voit bientôt tous les fans de son artiste de mari prendre leurs quartiers dans son foyer. Si elle tente un moment de chasser ces envahisseurs (« You have to go ! », « This is my house ! »), la descente aux enfers est imminente. Pour elle comme pour le spectateur. Aronofsky se laisse tomber, avec une certaine complaisance, dans une surenchère d’hystérie qui ne ressemble à rien d’autre qu’à un mauvais pastiche du cinéma d’Andrzej Zulawski. Hystérie qui perdure dans le quatrième acte, scellant le destin tragique de l’héroïne, jusqu’au dénouement qu’on ne révèlera pas ici.
Toujours pessimiste, toujours obsédé par la Bible et surtout par lui-même, Darren Aronofsky livre un film violent et controversé, dans lequel il clame, abasourdi par son propre talent, qu’il est un créateur magnifique et adulé à l’instar de Dieu. Ce n’est cependant pas à lui d’en décider, mais à celles et ceux qui aiment, défendent, aimeront et défendront ses films. Darren, vous êtes un grand cinéaste. Certes. Mais un peu d’humilité n’a jamais tué personne. Personne, à part peut-être vos personnages.
L’ANALYSE PARTIE 1 :
Si Darren Aronofsky a ajouté un point d’exclamation à la Mother de son titre, c’est très probablement parce qu’il veut bien se faire comprendre. Le film aurait pu tout aussi bien s’intituler MOTHER !, voire MOTHER !!!!!!!!!! puisque c’est exactement l’effet qu’il procure au spectateur assommé.
Un peu comme si on lui hurlait dessus, le tirait par les oreilles, le secouait dans tous les sens pour que tout ça rentre bien dans sa petite tête. Mother !, semble nous indiquer Darren Aronofsky, est un Grand Film majuscule, une œuvre délirante et immense, un voyage-cinématographique-dont-on-ne-revient-pas-indemne, selon la formule consacrée. La réalité, lorsque l’on quitte la salle, est hélas moins glorieuse : Mother ! est surtout un simulacre de cinéma, qui confond mystère et illisibilité, démesure et boursouflure, provocation et grand-guignol.
Après s’être abondamment inspiré du Répulsion de Polanski pour Black Swan, Aronofsky cite cette fois-ci Rosemary’s Baby et colle sa caméra aux basques de Jennifer Lawrence, filmée en très gros plan, présente dans chaque scène, dans un rôle finalement plutôt ingrat qui fait d’elle la spectatrice passive et hébétée du show grotesque que son réalisateur-compagnon-démiurge lui a offert sur un plateau. Cela tombe bien, c’est précisément l’un des sujets du film : comment la compagne d’un artiste de génie (Javier Bardem, en roue libre) peut-elle exister face à la mégalomanie de l’homme qu’elle aime ?
Réponse : en tenant bien sa maison. C’est, peu ou prou, le postulat de départ de Mother ! Dans leur grande demeure perdue au milieu de nulle part, Javier et Jennifer vivent paisiblement ou presque, lui tentant vainement de trouver l’inspiration pour sa prochaine œuvre, elle s’appliquant méthodiquement à retaper et entretenir ce foyer qu’elle chérit tant.
Jusqu’au jour où débarque un mystérieux inconnu (Ed Harris), qui s’incruste pour la nuit, bientôt rejoint par sa femme (Michelle Pfeiffer). La jeune épouse effacée voit d’un mauvais œil l’intrusion de plus en plus indélicate de ce couple vulgaire. Ce n’est pourtant que le début d’une descente aux enfers de plus en plus délirante, marquée par un court répit (la grossesse inespérée de Jennifer et la frénésie créative de Javier) qui se révélera n’être que l’accélérateur de leur chute.
Aronofsky est bien trop malin pour que les tours et détours pris par le scénario extrêmement retors de Mother ! puissent trouver une logique narrative qui aboutirait, à un moment donné, à la résolution d’une intrigue.
Le mystère qui enveloppe le récit n’est pas destiné à être dissous dans un twist final ou une explication rationnelle, les événements du film alignant les références bibliques compilées en une débauche de clins d’œil grossiers. Mother ! se veut être une allégorie, mais une allégorie de quoi, exactement ? Dans son bric-à-brac, le réalisateur mêle paranoïa, frustration sexuelle, mysticisme et religion (d’Eve à Abel et Caïn en passant, cela va de soi, par la Vierge Marie) et n’hésite pas à jeter dans le même feu son mépris pour ses contemporains.
Les masses sont aveuglées et ont besoin de se trouver de nouveaux prophètes ; elles sont cupides, jalouses et avides d’argent et de sexe ; elles veulent tout ce qu’elles n’ont pas. L’Art est sans cesse menacé par le commerce (apparition surréaliste de Kristen Wiig en éditrice qui se mue, le temps d’une scène, en exécutrice sanguinaire) et l’artiste lui-même ne peut vivre sans la dévotion de son public. Pour faire bonne mesure, Aronofsky nous rappelle que tout cela est la cause des pires conflits dans le monde, et que donc la guerre c’est mal et qu’elle fait beaucoup de victimes.
Dans ce fatras pseudo-philosophique surnage tant bien que mal la figure de la Mère, modèle de pureté qui défend farouchement son territoire. Mais une Mère malmenée, sacrifiée, jusqu’à un final débordant des pulsions sadiques de son auteur, débauche d’images volontairement choquantes et de gore gratuit, qui ne servent qu’à illustrer un discours ultra-réac. La Mère meurtrie se mue en vengeresse, à laquelle forcément seul son époux peut survivre, afin d’assurer la continuité de la création, tant artistique qu’humaine.
C’est absolument sidérant de stupidité et désolant sur le plan cinématographique. Aronofsky, capable du meilleur (The Wrestler, son plus beau film à ce jour) mais bien souvent du pire (qui se souvient de The Fountain ?) atteint ici les limites de son cinéma-toupie, capable de tourner indéfiniment sur lui-même sans jamais aller nulle part.
L’ANALYSE PARTIE 2 :
Difficile de ne pas sortir de « mother! » avec une impression fortement mitigée. On peut commencer par applaudir la démarche d’un réalisateur tel que Darren Aronofsky dans un paysage cinématographique de plus en plus stéréotypé ou les œuvres ne disent plus grand chose.
Mother! est un film plutôt original donc et bénéficie de prestations de grande qualité notamment celles de Jennifer Lawrence qui est de pratiquement tous les plans et de Michelle Pfeiffer qui insuffle un mystère, une méchanceté et une profondeur bienvenus à un personnage pourtant peu écrit et qui disparaît de manière totalement frustrante.
Un des principaux problèmes du film provient d’ailleurs du fait que les personnages sont plus des représentations de thématiques que de véritables incarnations. Ils sont des pantins dans les mains du réalisateur qui chercher à faire sa démonstration, et ce de façon assez pataude et lourde d’ailleurs.
Heureusement que de grands acteurs les interprètent car ils leur insufflent une épaisseur qui n’est pas dans le scénario car les limites étaient déjà présentes à l’écriture. Le film est scindé en deux parties bien distinctes et autant la première (le thriller psychologique) est très réussie avec une tension de tous les instants autant la deuxième (film d’horreur) vire dans le grand guignolesque et le grand n’importe quoi qui enlèvent beaucoup de force à l’œuvre.
On est témoin d’images de plus en plus choquantes qui finissent par faire sortir le spectateur du film qui assiste à ce qui se déroule avec incrédulité tout d’abord avant de sombrer dans l’ennui puis vers une certaine exaspération.
Le genre horrifique est un genre passionnant qui parvient parfois et de manière subtile à imprimer dans notre conscience ou inconscient des images indélébiles en ayant recours à des métaphores plus ou moins lointaines du sujet dont il est question.
Il suffit de penser à l’Alien de Ridley Scott et de toutes les métaphores sexuelles (viol, grossesse) qui ont laissé leurs empreintes dans l’histoire du cinéma. La démarche de Darren Aronofsky est beaucoup moins efficace car il fait exactement le contraire en créant des images littérales d’une violence rare à partir de métaphores.
Ainsi il fait perdre au genre horrifique sa force et son pouvoir d’évocation. Et ce d’autant qu’il se croit très malin en ayant recours à un maximum (trop) de références religieuses alors qu’il manque profondément de subtilités et de finesse psychologique. Toutes les références bibliques y passent : des plaies d’Egypte (les grenouilles), au paradis et pêché originel (la pomme fait une apparition furtive dans le panier que Javier Bardem donne à sa femme), jusqu’à Jésus et son sacrifice expiatoire…
On retrouve malheureusement cette misogynie dans le film (scène où le personnage de Jennifer Lawrence subit des violences extrêmes) déjà présente dans la Bible, la femme étant responsable du pêché originel en prenant le fruit défendu. Or ici on comprend mal la faute du personnage joué par Jennifer Lawrence (incarnation de la Mère, comprendre notre terre nourricière, la Nature).
Elle subit les pires traitements et on comprend difficilement pourquoi. Sa faute principale réside dans sa générosité et son amour infini. Le personnage de Michelle Pfeiffer résume bien cette faute quand elle lui dit : « you really love him. God help you ! » (« tu l’aimes vraiment. Que Dieu te vienne en aide ! ») Et effectivement elle a littéralement le cœur sur la main (voir l’affiche américaine).
Elle est forte certes et on s’en rend compte vers la fin du film mais elle ne l’utilise pas. Au contraire. Sa passivité est aussi grande que sa bonté. D’où l’exaspération que peut ressentir le spectateur à la vue de sa descente aux enfers. C’est ce que Darren Aronofsky cherche à montrer au spectateur : l’Homme doit arrêter son comportement destructeur car la Nature continuera de donner jusqu’à l’infini.
Or c’est dans cette vision très simpliste, manichéenne et quelque peu édulcorée que le film montre ses véritables limites. Car la Nature est certes bonne et généreuse mais elle est également terrifiante et rien ne dit qu’elle ne battra pas et ne récupèrera pas ce qu’il lui appartient de droit.
Concernant les notes : le scénario 8/10, la compréhension du scénario par le spectateur 5/10, la réalisation 9/10, le montage 10/10, les effets sonores 10/10, les effets visuels 10/10, le son 10/10, la direction artistique va de 10/10 pour Jennifer Lawrence à 0 pour tous autres, on dirait que le film a été fait et uniquement pensé pour Jennifer Lawrence qui livre sa meilleure performance depuis Winter’s Bone : Jennifer Lawrence 10/10, Javier Bardem 0/10, Ed Harris 0/10, Michelle Pfeiffer 0/10.