Pays : États-Unis
Année : 2013
Casting : Will Ferrell, Paul Rudd, Steve Carell, …
Genre : comédie

Derrière l’humour burlesque se dessine une verve satirique plus discrète que dans les dernières réalisations de McKay.

Engagé sur une chaîne d’information en continu, Ron Burgundy réunit son ancienne équipe. Ensemble, ils vont révolutionner le monde du journalisme télévisuel.

Plusieurs critiques ont découvert en Adam McKay un critique acerbe de la société américaine et ses maux par le biais de ses deux derniers films, « The big short » et « Vice ». Pourtant, cela fait un moment déjà que le réalisateur américain glisse dans ses comédies des sous-textes contemporains, comme l’intéressé témoigne régulièrement. Il a ainsi déclaré à propos de « Very bad cops » : « Jusque dans les moindres détails, dans les gags, dans les allusions, on a conçu le film comme un film sur la crise financière *». Ses films se conforment au dédain de la part d’un certain nombre de personnes pour la comédie et son ancrage réflexif dans notre culture. Revenir sur la suite d’une des comédies américaines récentes les plus cultes s’avère dès lors intéressant sous ce regard.

À première vue, le film ne se base que sur un humour burlesque qui explose en permanence dans tous les sens. Cette remarque n’est aucunement négative tant la manière d’ajuster ses énormes moments humoristiques participe à un timing qualitatif surprenant toujours dans cette façon de foncer droit dans un mur quasi non sensique extrêmement réjouissant. Le film joue d’ailleurs de son statut de suite pour reprendre à son compte certaines séquences de son prédécesseur et les rendre plus débridées encore. Nous sommes donc à première vue face à une bombe humoristique effrénée s’amusant des conventions scénaristiques pour mieux les détourner et accumuler les séquences drolatiques à souhait.

Pourtant, ce que le film prolonge par rapport à « La légende de Ron Burgundy » en blagues, elle le fait aussi sur son regard acéré envers le journalisme. Dans le premier film, c’est l’arrivée d’une journaliste qui fait office d’élément perturbateur d’une équipe ancrée dans un masculinisme fort. Ici, en inscrivant une idée neuve (l’information continue) dans une logique de sensationnalisme, le film se permet de critiquer une quête de scoops et d’audiences, mettant les chiffres en priorité sur la fiabilité et la nécessité de l’information.

Le film continue à aborder la manière dont une société cherche à évoluer tout en restant retenue par des personnes coincées dans une réflexion réactionnaire. Si les mœurs avancent bien heureusement, on peut constater la difficulté d’adaptation d’un certain groupe de personnes habituées à un certain fonctionnement des choses et aux conventions rétrogrades. On peut également voir dans la manière dont la population américaine est dépeinte en réaction aux informations une appréhension de celles-ci confortant leurs opinions au point de ne plus vouloir voir au-delà de leur transmetteur d’opinions. À vouloir en même temps être informé en permanence en privilégiant la rapidité à la qualité et à se conforter dans son idéologie sans s’ouvrir aux idées extérieures, on constate que l’on fonce droit dans le mur dans le domaine de l’information.

Aussi bien film aux blagues énormes que critique satirique du traitement contemporain de l’information, « Légendes vivantes » profite de la verve satirique d’Adam McKay et se hisse dans le haut du panier de la comédie américaine.

* Tessé Jean-Philippe, « Politique de la comédie », Cahiers du cinéma février 2019 numéro 752 page 26


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