MON GARCON
Réalisation : Christian Carion
Scénario : Christian Carion, Laure Irrmann
Image : Éric Dumont
Décors : Guillaume Watrinet
Costumes : Sarah Topalian
Son : Jean Umansky, Thomas Desjonquères, Florent Lavallée
Montage : Loïc Lallemand
Musique : Laurent Perez Del Mar
Interprétation : Guillaume Canet (Julien Perrin), Mélanie Laurent (Marie Blanchard), Olivier de Benoist (Grégoire Rochas)
Distributeur : Diaphana
Date de sortie : 20 septembre 2017
Durée : 1h24
NB : L’affiche est une arnaque Mélanie Laurent n’apparait qu’en introduction et en conclusion du film. Le film est porté à bout de bras par Guillaume Canet (nomination aux Césars sans doute…) et le fait de voir son nom en immense sur l’affiche est une supercherie. Si vous y allez en pendant voir Mélanie Laurent, désolé mais je rectifie une vérité, elle ne figure que 2 voir 3 minutes maximum durant l’heure 25 de film! Voilà ça c’est dit!
Passionné par son métier, Julien voyage énormément à l’étranger. Ce manque de présence fait exploser son couple quelques années auparavant. Lors d’une escale en France, il découvre sur son répondeur un message de son ex-femme en larmes : leur petit garçon de sept ans a disparu lors d’un bivouac en montagne avec sa classe. Julien se précipite à sa recherche et rien ne pourra l’arrêter.
Après Une hirondelle a fait le printemps en hommage à ses racines d’enfant de la terre en 2001, et trois films historiques (Joyeux Noël en 2005, L’affaire Farewell en 2009 et En mai fais ce qu’il te plaît en 2014), Christian Carion s’essaie cette fois au film noir tourné en seulement six jours dans ce décor oppressant du massif du Vercors.
Pour la troisième fois, il dirige Guillaume Canet qu’il soumet à un procédé de tournage pour le moins original. En effet, le comédien, à l’inverse de ses partenaires, n’a aucune connaissance du scénario. A lui d’improviser en fonction des situations qui se présentent, le but étant de filmer à chaud ses réactions face aux événements vécus par son personnage et d’attiser son angoisse. Ce que Guillaume Canet qualifie d’« expérience d’acteur monumentale » peut s’avérer déroutant pour le spectateur.
Çà démarre doucement tel un drame intimiste entre un géniteur qui, sous le poids de la culpabilité, prend conscience qu’il n’a jamais été vraiment présent dans la vie de son enfant, et une mère bouleversée et bouleversante (Mélanie Laurent) à qui l’on vient d’arracher la chair de sa chair. Christian Carion prend plaisir à s’appesantir sur les réactions diverses des uns et des autres, y compris de la pièce rapportée que constitue la présence du nouveau compagnon de la mère incarné par un Olivier de Benoist parfait de justesse et nous propose une étude psychologique pleine de finesse sur ce trio en proie aux doutes, aux égarements et aux pressions d’une enquête qui s’annonce tortueuse.
Puis, soudainement lassée par cette semi-torpeur, la narration nous propulse dans un thriller violemment décoiffant, parfois à la limite de la vraisemblance et faisant la part belle à l’autodéfense sans toutefois en faire l’apologie, comme le précise le réalisateur. Emporté lui aussi par cet élan soudain, voilà que le scénario cafouille et nous envoie sur plusieurs pistes inabouties comme si le réalisateur, à l’image de son interprète, hésitait encore quant à la direction à donner à son récit.
Et puis, Guillaume Canet, déstabilisé par l’inconnu dans lequel il est maintenu, bousculé dans son interprétation, n’a aucun mal à endosser l’état d’esprit du père confronté à une telle tragédie. Il se charge d’une puissance extraordinaire pour nous décrire sans fausse note la trajectoire de cet homme qui, découvrant enfin la teneur de ses responsabilités paternelles, met les bouchées doubles au prix d’une volonté pouvant aller jusqu’à l’illégalité, dans le seul but de prouver à cet enfant et à sa mère combien il est désormais capable de prendre leurs destins en charge. La caméra, rapide et fouineuse, le traque dans son insatiable désir de vengeance au point de nous faire ployer le dos sous cette avalanche de règlements de compte irrationnels.
Si l’on salue bien volontiers la grande qualité de l’interprétation de ce cinquième long-métrage de ce fils d’agriculteurs, on se surprend à regretter l’authenticité de ses précédentes fresques rurales ou historiques.
L’ANALYSE :
Un homme à qui son ex-femme reprochait ses trop longues absences est rappelé par celle-ci : leur fils a disparu au cours d’une classe verte…
Mon garçon démarre pratiquement sans préambule, et distribue au bout d’une poignée de scènes des rôles familiers : à l’homme celui de l’enquêteur attentif au moindre détail tout en tâchant de faire de ses émotions un moteur maîtrisé ; à la femme (une seule dans tout le film) celui de la mère submergée par ses émotions à elle et faisant du surplace.
Bien sûr, personne n’est parfait : les soupçons du père confinent à la paranoïa, il commence par brusquer les mauvaises personnes avant de se frotter à de vrais suspects, se met à dos les forces de l’ordre, se salit les mains, mais avance sans faillir vers son but, mû par cette volonté que le cliché confère aux parents prêts à tout pour retrouver leurs enfants.
Une qualité des meilleurs thrillers est de savoir susciter le suspense jusque dans des circonstances où le spectateur le plus aguerri croit pouvoir l’anticiper et le minorer : par un biais auquel on n’était pas préparé, l’attente terrible nous saisit. Mon garçon n’est pas de ces meilleurs thrillers.
Christian Carion, dont c’est la première incursion dans le genre (après son brelan de films lénifiants autour des guerres du 20e siècle), reste fidèle à sa façon de travailler : technicien honnête ne gâchant pas trop ses plans, capable d’efficacité, mais prenant soin de ne jamais dépasser les grandes lignes du type de produit dans lequel il s’inscrit – au moins, ici, ne prétend-il pas donner de leçons d’humanisme par l’exemple historique.
Mon garçon ne commet aucune faute de goût dans son exécution de motifs familiers de son schéma narratif, réussit un ou deux jolis coups de tension (des sons mystérieux dans le coffre du véhicule d’un personnage inquiétant), mais dans l’ensemble ne surprend que peu et jamais durablement, faute d’une réelle volonté de prendre nos attentes en défaut.
Et si le motif central est cette figure paternelle prête à l’extrême pour ramener sa progéniture à la maison – et se racheter de son manque de présence passé, là encore, malgré l’investissement visible des scénaristes et de Guillaume Canet, cette étude de caractère n’impressionne pas tant que cela. Il faut sans doute en blâmer le professionnalisme trop précautionneux par lequel cet investissement s’exprime (on pense à une certaine scène de torture, que la mise en scène semble affronter en se bouchant un peu le nez). Illustrée dans cette facture, même la noirceur qui se révèle du héros ressemble à l’exécution d’un programme, résultant moins d’une conscience des pulsions humaines que du décalque de situations analogues jouées avec plus de conviction dans d’autres films.
À moins que… Une nuance surgit à la toute dernière scène, conclusion douce-amère réservant une petite surprise, en ce qu’elle nous remet en mémoire une scène précédente, dérangeante sur le papier mais que l’on croyait vouée à l’oubli, reléguée parmi les « passages obligés » de la quête paternelle sans limites.
En redonnant à la scène passée une certaine importance, cette conclusion déjoue in extremis l’idée – que le manque de relief du film pouvait accréditer – que toute cette enquête hors la loi n’aurait été qu’une formalité à laquelle le spectateur n’aurait été invité qu’à adhérer. Un petit sursaut de conscience dans un téléfilm du samedi soir : c’est toujours ça de pris.
7/10