DIVINES

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Cette description tourbillonnante et émouvante de la banlieue sublimée par un trio de comédiennes divinement douées a permis au premier long-métrage de la jeune réalisatrice franco-marocaine Houda Benyamina de remporter la caméra d’or au dernier festival de Cannes. Une récompense amplement méritée !

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Réalisateur : Houda Benyamina
Acteurs : Jisca Kalvanda, Oulaya Amamra, Deborah Lukumuena
Genre : Drame
Nationalité : Français
Date de sortie : 31 août 2016
Durée : 1h45mn
Festival : Caméra d’Or du meilleur premier long métrage Festival de Cannes 2016, César du cinéma: meilleure premier film pour Houda Benyamina, meilleur espoir féminin pour  Oulaya Amamra et meilleur second rôle féminin pour Deborah Lukumuena.

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Dans un ghetto où se côtoient trafics et religion, Dounia a soif de pouvoir et de réussite. Soutenue par Maimouna, sa meilleure amie, elle décide de suivre les traces de Rebecca, une dealeuse respectée. Sa rencontre avec Djigui, un jeune danseur troublant de sensualité, va bouleverser son quotidien.

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L’enthousiaste « t’as du clito » lancé par la réalisatrice à Edouard Waintrop, le délégué général de la Quinzaine des réalisateurs restera l’un des moments forts du Festival de Cannes 2016. En parsemant d’un zeste de provocation sexiste cette cérémonie de clôture obligatoirement glamour et parfaitement orchestrée, Houda Benyamina nous entraîne directement dans l’ambiance de son film : secouer gentiment mais fermement un monde trop correct, pétri d’injustices et laissant sur le bord de la route un bon nombre d’humiliés, de ceux qui apprennent à vivre tant bien que mal avec les moyens du bord. N’ayez crainte, pas de discours ennuyeux ou moralisateur. Bien au contraire, grâce à l’énergie communicative des trois comédiennes, ça bouge, ça vibre, on rit, on pleure, c’est lumineux comme la vie. Loin des stéréotypes de banlieue, entre chronique sociale et polar, on découvre une jeunesse dans toute son humanité, aussi belle que laide, maniant humour et débrouille avec une facilité déconcertante.

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Sans que l’on y prenne garde, entre tragique et comique, on se retrouve embarqués dans l’univers de désolation de deux gamines au bagout et à la rage de vivre inaltérables, animées du désir commun de s’élever dans ce monde qui les rejette. Laurel et Hardy de banlieue (c’est ainsi que les présente la réalisatrice), Dounia la gringalette qui rêve de puissance et Maimouna la solide qui n’est que douceur forment un duo au ressort comique imparable basé sur leurs oppositions notoires. Dounia habite dans un camp de Roms avec sa mère. Elle ne connaît pas son père et dans la cité, on l’appelle « la bâtarde ». Elle est en quête de dignité.

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Elle refuse de croire aux discours de l’imam déconnectés de la réalité et bien plus encore aux jobs sans avenir qu’est censé lui offrir un BEP accueil (superbe scène où Oulaya Amamra révèle toute l’ampleur de son talent de comédienne). Elle veut être reconnue pour ce qu’elle est et n’a qu’un but : gagner beaucoup d’argent pour s’offrir voyages et voitures de luxe, habile alibi permettant à la réalisatrice de dénoncer sans s’appesantir les méfaits de l’ultralibéralisme. Mamounia a plus de chance que son amie Dounia. Elle vit dans un cadre familial strict, elle est la fille de l’imam. Le lien fusionnel qui va les porter tout au long du film est à la vie, à la mort, constitué d’un amour absolu et total comme seuls peuvent en concevoir des êtres purs et entiers. La gentillesse et la naïveté de Maimouna nous donneront l’occasion de nous régaler de quelques dialogues ciselés et hauts en couleurs.

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Mais quand Dounia décide de travailler pour Rebecca la dealeuse, c’en est bien fini de la tendresse et de l’innocence. On plonge abruptement dans un nouvel univers, décrit avec toujours le même souci du détail et de la dérision, celui de la pègre de bas étage. Car Rebecca est sans foi, ni loi. Pour se comporter en business woman des trafics en tous genres, elle use de toutes les postures masculines. Elle se fait conduire en mini-décapotable, elle aime flamber, choisir ses partenaires comme bon lui semble et surtout détenir le pouvoir. L’impeccable Jisca Kalvanda porte à merveille le personnage de cet effrayant garçon manqué.

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Au milieu de ces filles à la personnalité pétaradante, c’est Djigui, un jeune danseur que Dounia contemple, cachée dans les cintres du théâtre et dont elle tombe secrètement amoureuse. qui apportera une note de féminité. Tout comme Dounia, il souhaite s’élever mais lui a choisi l’élévation spirituelle, suggérant discrètement et sans doute un peu naïvement que l’art peut servir d’alternative à l’argent quand il s’agit de se réaliser. Néanmoins les scènes de danse, harmonieusement chorégraphiées, apportent la part de rêve nécessaire.

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Ce qui n’empêchera pas l’histoire de se diriger inexorablement vers une tragédie qui finira par happer cette jeunesse fragile blackboulée par un monde bien plus dur qu’elle ne l’avait imaginé.
La banlieue et ses zones d’ombre ont toujours inspiré le cinéma, mais jamais encore aucun film n’avait réussi à trouver ce juste équilibre entre innocence et cynisme, entre fraîcheur et réalisme. Un film qui, en plus d’être humain et bouleversant, nous offre pleinement le charisme, la générosité et le talent de la toute jeune Oulaya Amamra, petite sœur de la réalisatrice. Un duo prometteur que le cinéma a intérêt à ne pas perdre de vue.

 

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ENTRETIEN AVEC HOUDA BENYAMINA

Houda Benyamina était au cinéma Le Kerfany, à Moëlan, lundi pour une rencontre-débat autour de son film Divines. Entretien avec une réalisatrice à la recherche d’échanges avec le public.

La réalisatrice Houda Benyamina aux côtés de Michel Grossard, président du cinéma Le Kerfany de Moëlan-sur-Mer, lors de la rencontre-débat.

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Vous avez remporté la Caméra d’or lors du dernier Festival de Cannes. Comment vivez-vous cette notoriété nouvelle ?
Les gens voient ça comme quelque chose de fulgurant, notamment à cause du discours que j’ai donné lors de la cérémonie. Je suis une laborieuse, je travaille beaucoup. Je n’ai pas vu de changement significatif dans ma vie, si ce n’est les petits regards lorsque je dépose mon enfant à l’école ! Au niveau du cinéma, je suis bien sûr beaucoup plus identifiée dans la profession.

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De quel constat êtes-vous partie pour donner vie à Divines ?
Je me suis toujours dit qu’il y avait un avant 68, et un après, avec la colère qui s’est transformée en révolte. Les émeutes de 2005 sont restées une sorte de cri sans écho. Je me suis demandé pourquoi il n’y a pas eu de changement en dix ans. D’autre part, il s’agit aussi pour Dounia, le personnage principal, d’une réflexion spirituelle. Elle incarne la société d’aujourd’hui, très égocentrée. C’est pour elle un incessant va-et-vient entre la vie extérieure et un combat intérieur.

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Le film passe de répliques fortes à des moments plus légers, notamment au travers de la danse. Qu’avez-vous essayé de provoquer avec cette alternance entre subtilité et violence ?
À vrai dire, je n’y ai pas vraiment pensé de cette manière. En revanche, j’ai beaucoup travaillé sur les contrastes. J’avais envie d’une tragédie, mais aussi qu’on rit, comme dans la vie. Il y a des éléments de genres différents : de l’action, du conte… J’aime le beau, mais je peux aussi être fascinée par la laideur. Les personnages sont aussi contradictoires que les thématiques abordées. Divines parle du sacré, mais aussi de la politique et des valeurs omniprésentes dans notre société, en partant du capitalisme et de son dieu Argent. Ou parfois du manque de valeurs, justement.

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L’écart est grand entre les salles cannoises et les petites salles finistériennes…

J’adore. Je suis chez moi partout. Je suis chez moi ici, à Moëlan. Et je suis chez moi à Cannes. La Bretagne m’appartient autant que Cannes ! Je suis très heureuse de voir comment les différents publics vont ressentir le film. Où que j’aille, je le prends avec beaucoup de considération. Je veux poser des questions à la société dans laquelle je vis, alors quoi de mieux que de rencontrer les gens ? On ne peut pas sauver des vies, avec le cinéma, mais on peut sauver des âmes.

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Vous avez écrit le scénario du film à Brignogan, dans le nord-Finistère. Cela partait-il d’une volonté de vous isoler pour parler d’un thème assez dur ?
À la base, je suis venue en Finistère pour travailler avec le Groupe Ouest. C’est un réseau pour lequel travaillent des personnes reconnues dans l’amélioration de scénarii. Je reconnais aujourd’hui qu’être au calme m’a fait modifier ma façon d’écrire. Et pour le prochain long-métrage, je repartirai m’isoler, c’est certain. Avec le Groupe Ouest, si je suis sélectionnée, sinon ce sera ailleurs. Mais j’adore la Bretagne. Il y a beaucoup de légendes, ici. On y trouve une atmosphère assez magique, brute, sauvage. Je pourrais vraiment avoir envie d’y tourner, un jour. Qui sait ?

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« J’vais l’dire, t’as du clito… » En mai, Houda Benyamina a bousculé le Festival de Cannes avec cette saillie féministe lancée durant son discours de remerciement. La réalisatrice âgée de 35 ans venait d’obtenir la Caméra d’or pour Divines, son premier film, en salles depuis le 31 août. Chronique sociale, tragédie grecque, histoire d’amitié et d’amour filmée avec exaltation, Divines ressemble à son auteure, une boule d’énergie, une enragée et une battante.

Quelle époque auriez-vous aimé connaître ?
J’aurais aimé lutter avec les Black Panthers, connaître l’époque de Mohamed Ali, Martin Luther King et Malcolm X, ou alors la Révolution française. J’aime ces époques où des hommes remettent en cause l’ordre établi grâce à des combats. Je suis fascinée par ces gens prêts à mourir pour leurs idées.

Une image de notre époque ?
Une photo de clitoris, bien sûr ! Cette expression « t’as du clito » que l’on entend dans le film m’est venue lors d’une discussion il y a quelques années. Je trouve important de féminiser le courage, d’autant plus lorsqu’il est évoqué par le clitoris, qui induit l’idée du plaisir féminin !

Un son ?
L’absence de silence. Il y a toujours tellement de bruit autour de nous que l’on a de moins en moins le temps et l’opportunité d’expérimenter le silence. On est toujours sollicité par le son d’un portable. On ne sait plus faire le vide… Le silence n’existe plus.

Un livre ?
La Famille, un trésor et un piège, d’Alexandro Jodorowsky [avec Marianne Costa, Albin Michel, 2011]. Un essai qui m’a beaucoup marquée. Il parle du poids de la famille dans nos gènes, de la façon dont cela nous détermine et explique comment travailler dessus pour se libérer et éviter de reproduire les erreurs du passé ou de nos ancêtres.

Un slogan ?
« Tu frappes, tu caresses », que j’utilise dans mon film et qui est emblématique du cours de l’histoire alternant entre périodes de crise et moments glorieux. Nous sommes clairement à une époque où l’on frappe… Mais je suis plutôt pour, ça permet de ne pas mollir.

Une expression agaçante ?
« LOL », je trouve la sonorité très laide, et je déteste le côté non assumé des phrases qui sont ponctuées par cette expression.

Un bienfait de notre époque ?
La communication. Internet a permis des avancées inouïes. Je suis systématiquement pour le progrès qui permet de se dépasser. J’aime cet outil au service de l’information et de l’intime. Par exemple, j’appartiens à un groupe Facebook où sont inscrits 85 de mes cousins répartis dans le monde entier… Et j’adore aussi l’idée de tout savoir en temps réel sur l’actualité, notamment grâce à [l’appli de vidéos en direct] Periscope.

Le mal de l’époque ?
Le besoin de s’attaquer à des boucs émissaires au lieu de chercher des solutions. Il fut un temps où le bouc émissaire était le protestant, puis le juif ; maintenant, c’est le musulman. Un comportement dévastateur pour l’humanité.

C’était mieux avant, quand…
J’adore mon époque, même s’il s’en dégage comme une odeur de guerre mondiale. Si j’étais née homme, d’autres époques m’auraient séduite, mais heureusement qu’en tant que femme je vis au XXIe siècle.

Ce sera mieux demain, quand…
Les femmes auront une place plus importante dans la société. Mais je suis confiante, la marche de l’histoire l’impose !

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UN IMMENSE MERCI A HOUDA BENYAMINA POUR SA FRANCHISE, SON FRANC PARLE, SA JUSTESSE, SA GENEROSITE, SON ATTENTION, SA GENTILESSE, SA SAGESSE, SON ELEGANCE, SA CLASSE, SON CHARISME ET SON COEUR (GROS COMME CA) SUR LA MAIN …

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Pierre Bryant
Cinéphile depuis mon plus jeune âge, c'est à 8 ans que je suis allé voir mon 1er film en salle : Titanic de James Cameron. Pas étonnant que je sois fan de Léo et Kate Winslet... Je concède ne pas avoir le temps de regarder les séries TV bonne jouer aux jeux vidéos ... Je vois en moyenne 3 films/jour et je dois avouer un penchant pour le cinéma d'auteur et celui que l'on nomme "d'art et essai"... Le Festival de Cannes est mon oxygène. Il m'alimente, me cultive, me passionne, m'émerveille, me fait voyager, pleurer, rire, sourire, frissonner, aimer, détester, adorer, me passionner pour la vie, les gens et les cultures qui y sont représentées que ce soit par le biais de la sélection officielle en compétition, hors compétition, la semaine de la critique, La Quinzaine des réalisateurs, la section Un certain regard, les séances spéciales et de minuit ... environ 200 chef-d'œuvres venant des 4 coins du monde pour combler tous nos sens durant 2 semaines... Pour ma part je suis un fan absolu de Woody Allen, Xavier Dolan ou Nicolas Winding Refn. J'avoue ne vouer aucun culte si ce n'est à Scorsese, Tarantino, Nolan, Kubrick, Spielberg, Fincher, Lynch, les Coen, les Dardennes, Jarmush, Von Trier, Van Sant, Farhadi, Chan-wook, Ritchie, Terrence Malick, Ridley Scott, Loach, Moretti, Sarentino, Villeneuve, Inaritu, Cameron, Coppola... et j'en passe et des meilleurs. Si vous me demandez quels sont les acteurs ou actrices que j'admire je vous répondrais simplement des "mecs" bien comme DiCaprio, Bale, Cooper, Cumberbacth, Fassbender, Hardy, Edgerton, Bridges, Gosling, Damon, Pitt, Clooney, Penn, Hanks, Dujardin, Cluzet, Schoenaerts, Kateb, Arestrup, Douglas, Firth, Day-Lewis, Denzel, Viggo, Goldman, Alan Arkins, Affleck, Withaker, Leto, Redford... .... Quant aux femmes j'admire la nouvelle génération comme Alicia Vikander, Brie Larson, Emma Stone, Jennifer Lawrence, Saoirse Ronan, Rooney Mara, Sara Forestier, Vimala Pons, Adèle Heanel... et la plus ancienne avec des Kate Winslet, Cate Blanchett, Marion' Cotillard, Juliette Binoche, Catherine Deneuve, Isabelle Huppert, Meryl Streep, Amy Adams, Viola Davis, Octavia Spencer, Nathalie Portman, Julianne Moore, Naomi Watts... .... Voilà pour mes choix, mes envies, mes désirs, mes choix dans ce qui constitue plus d'un tiers de ma vie : le cinéma ❤️

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