IN THE FAIDE
DIANE KRUGER
IN THE FAID DE FATHI AKIN – PRIX D’INTERPRETATION FEMININE – FESTIVAL DE CANNES 2017
Dénonciation efficace du terrorisme néo-nazi, le thriller de Fatih Akin est un thriller maîtrisé tout autant qu’un touchant portrait de femme, qui offre à Diane Kruger son meilleur rôle.
Réalisateur : Fatih Akin
Acteurs : Diane Kruger, Ulrich Tukur, Johannes Krisch, Denis Moschitto, Numan Acar
Titre original : Aus dem Nichts
Genre : Drame, Thriller
Nationalité : Français, Allemand
Distributeur : Pathé Distribution
Durée : 1h46mn
Festival : Festival de Cannes 2017
Tout juste présenté au Festival de Cannes 2017, tout juste récompensé du Prix d’interprétation féminin pour Diane Kruger, que vaut ce In the Fade ?
Sur la croisette, après la projection du film de Fatih Akın, les retours étaient plutôt partagés. Un sentiment aussi ressenti lors de la découverte le soir du palmarès.
Film présenté en compétition du Festival de Cannes 2017: La vie de Katja s’effondre lorsque son mari et son fils meurent dans un attentat à la bombe. Après le deuil et l’injustice, viendra le temps de la vengeance.
On ne reviendra pas sur le Prix de Diane Kruger. L’actrice, qui joue pour la première fois dans sa langue maternelle, est impressionnante dans les deux premières parties du film. Bouleversant, puissant, de voir cette femme qui vient de perdre son mari et son jeune fils dans un attentat. Dur de rester insensible face à cette détresse, encore plus avec l’actualité récente. Toute la partie qui suit l’attentat est dur, Kruger impressionne. Elle joue avec justesse pendant que le film ne cherche pas à faire des éclats et dans les trop grands sentiments.
Fatih Akin secoue et émeut avec ce film efficace mêlant polar, film de procès, étude de mœurs et œuvre politique, comme si les thématiques et les genres qu’il avait abordés jusqu’à présent étaient l’objet d’une synthèse.
Ses admirateurs retrouveront d’ailleurs des constantes de son cinéma, de son attachement à la communauté turque (dont il est issu) à l’utilisation de la mer comme symbole de mort. Le projet du cinéaste était d’aborder les assassinats commis en Allemagne contre des personnes d’origine étrangère, notamment turque, par des membres du groupuscule néo-nazi NSU (Clandestinité Nationale-Socialiste).
Un procès toujours en cours a particulièrement inspiré le récit. « Mon film s’inspire de faits réels, et je tenais à ce que l’on croit à ce qui est montré sur l’écran. Comme tout le monde, je sens s’opérer un changement dans toute l’Europe, voire dans le monde entier.
La mondialisation est un défi, qui effraie beaucoup de gens, une peur, elle-même mondialisée, qui conduit au repli sur soi et au rejet de l’autre. Il se trouve qu’en Allemagne cette peur est déjà apparue dans les années 20 », a déclaré Fatih Akin.
L’auteur de Head-on et De l’autre côté, citoyen et artiste germano-turc, ne se contente bien sûr pas de déployer un « dossier de l’écran », même si des passages convenus (l’affrontement des avocats au cours du procès) font songer à un certain cinéma démonstratif, tel Music Box de Costa-Gavras. In the Fade montre avec subtilité comment la suspicion envers les victimes reflète des préjugés sociaux et ethniques, sur fond de trafic de drogue et agissements divers de mafias communautaires.
L’intelligence du scénario est d’ailleurs d’avoir fait du personnage du mari un ancien délinquant turc, certes réintégré, mais dont l’activité cache peut-être des zones d’ombre. Quant à Katja, l’épouse et mère effondrée, le cinéaste lui a donné les traits d’une « blonde aryenne aux yeux bleus » selon ses propres termes, comme pour exorciser certains démons et prendre acte du brassage culturel qui caractérise désormais la plupart des pays.
Le récit, co-écrit avec Hark Bohm, ex-collaborateur de Fassbinder, est découpé en trois chapitres qui permettent de suivre le cheminement de Katja, du bonheur insouciant au désir de vengeance, avec un dernier volet intense, oscillant entre le thriller et la tragédie grecque. Le film séduit par son écriture fluide, sa mise en scène classique et sobre sans être académique, même si Akin se permet quelques coquetteries stylistiques, comme cette pluie permanente, rappelant l’atmosphère du film noir aussi bien que certains polars coréens (The Murderer de Na Hong-ji).
L’utilisation de la musique du groupe de rock américain Queen of the Stone, loin d’être une caution de modernité, donne une dimension lyrique que n’aurait pas désavouée Bernard Herrmann. Il faut enfin souligner le jeu impressionnant de Diane Kruger, dans un rôle qui aurait pu conduire à bien des excès, et qui offre ici sa meilleure interprétation.
In the Fade est l’un des meilleurs films de son auteur et devrait élargir son audience. Au final, de In the Fade, ce n’est pas forcément l’histoire que l’on retiendra, du moins son traitement, mais c’est le jeu de Diane Kruger. Bluffante, poignante, elle tient là le meilleur rôle de sa carrière.