Année 1988
Pays USA
Casting Bob Hoskins, Christopher Lloyd, Joanna Cassidy
Robert Zemeckis est sans aucun doute l’un des réalisateurs les plus sous-estimés de notre époque. Alors qu’on vante encore les innovations apportées par des œuvres de nombreux cinéastes, il semble que l’on réduise toujours l’apport du réalisateur des « Retour vers le futur » dans les effets spéciaux. Il est pourtant encore étonnant de revoir certaines de ses œuvres, récentes ou non. Ainsi, il est surprenant de savoir que son poétique « The Walk » a disposé du même budget que « Les Bronzés 3 » alors que le spectacle proposé y est superbe. Et ne parlons pas de ses œuvres en motion capture qui furent précurseurs d’une technique désormais surutilisée par Hollywood. Aujourd’hui, nous allons aborder un autre film ayant apporté une innovation dans les effets spéciaux actuels : « Qui veut la peau de Roger Rabbit ? »
Los Angeles, 1947. Le détective privé Eddie Valiant déteste les Toons depuis que l’un d’entre eux a assassiné son frère. Pas de chance pour lui : il habite juste à côté de Toonland. Suite à une de ses affaires, Eddie va devoir aider un Toon dénommé Roger Rabbit, accusé à tort du meurtre du propriétaire de la firme Acme, Marvin Acme.
Cette adaptation du roman « Who censored Roger Rabbit ? » de Gary K. Wolf allie donc codes du récit de détective classique avec des personnages cartoonesques. Ceux-ci furent déjà le fruit d’une lutte pour les droits d’apparition, ce qui a fonctionné dans la plupart des cas (le duel de piano entre Donald et Daffy Duck) mais pas pour tous (la scène d’enterrement de Marvin Acme fut ainsi coupée alors que l’on devait y voir le Superman des Fleischer et Charly le coq notamment). Néanmoins, l’intrigue arrive à mélanger ses deux composants pour former un ensemble homogène et efficace.
L’atout majeur du film revient néanmoins à ses effets spéciaux, qui se devaient d’être parfaitement crédibles pour croire à la cohabitation entre personnages humains et personnages animés. C’est exactement le cas ici, avec un joli effet symétrique sur « l’invasion » d’un monde réaliste par des personnages de cartoons avant que cela ne se retourne vers la fin où Valiant fait irruption dans l’univers des Toons. Encore actuellement, on croit à la présence de ces personnages, notamment grâce à quelques détails subtils comme la traînée de poussière laissée par une main ou le déplacement d’un miroir. Ce mélange se retrouvera également dans la nature même du méchant du film, interprété avec une joie non feinte par un Christopher Lloyd des plus réjouis.
Zemeckis ajoute à cela une mise en scène cartoonesque se basant sur les dessins animés classiques (la séquence de début) mais en y ajoutant un humour grivois des plus réussis. Là où Sam Raimi faisait de son « Evil Dead 2 » un chef d’œuvre cartoonesque gore, Zemeckis fait du cartoon adulte par son langage sexuellement explicite. On retrouve ainsi des petites phrases aptes à faire rire n’importe quel enfant puis une blague adulte (« Tu es content de me voir ou tu as un lapin dans le pantalon ? ») efficace. Tout cela touche à un point où le film même a fait polémique sur certains points et s’est vu censuré dans certains dessins. C’est comme ça que l’on apprend que Bébé Herman s’est vu perdre son doigt majeur levé lors de son passage sous les jupes d’une jeune demoiselle et que Jessica s’est vu redessinée une culotte absente lors du crash de Bernie.
« Qui veut la peau de Roger Rabbit ? » est une œuvre arrivant donc à concilier effets spéciaux novateurs, intrigue policière sur le fil du grand public et de l’adulte et humour licencieux sans être vulgaire. Il est même à se demander si, au vu de ses blagues, cette œuvre pourrait être encore faite de nos jours. En effet, quand on voit le bazar provoqué par un dessin animé se vantant et vendant pour adultes (ce que n’ont pas apparemment compris des parents pas assez débrouillards pour vérifier ce que raconte le film sur internet ou des associations religieuses rétrogrades), on peut craindre les débats que provoquerait un film sur un lapin marié à une pin-up fortement marquée…
En tout cas, tout amateur de cinéma se doit de voir cette œuvre mémorable, grand public sans être puérile ou s’aliéner les spectateurs adultes et surtout la preuve que oui, Monsieur Robert Zemeckis est un grand nom du cinéma Hollywoodien.