Romance américaine sortie le 8 février (durée : 1h58) réalisé par James Foley

Avec Dakota Johnson, Jamie Dornan, Bella Heathcote, etc

Meilleur démarrage 2017 en première semaine pour ce 2ème opus malgré une moyenne presse Allociné atteignant péniblement le 1,5 (merci Closer !) : le phénomène interpelle ! Voici mon analyse toute en nuances !

Pourquoi Christian est-il si mordillant auprès de la gente féminine ?

Quand le milliardaire a fait sa première apparition, les premiers gloussements dans la salle ont retenti. Christian a le total package : beau, riche, jeune, bien sapé, musclé. Il se réveille en faisant des tractions torse nu et se met à l’horizontal sur son cheval d’arçon. La base quoi !

Mais en plus, Christian a un côté obscur digne de Dark Vador. Il ne fait pas l’amour : il baise brutalement (désolé pour la paraphrase empruntée au tome 1 !). On dit que les femmes aiment les mauvais garçons, en voici une nouvelle preuve. Petit à petit, on apprend qu’il a un lourd passé, ce qui rend sa jalousie séduisante et sa possessivité attachante : c’est un mâle, un vrai.

L’idylle bat d’autant plus son plein que la bête est amoureuse, aussi surprenant que cela puisse paraitre. Anastasia, cette madame tout le monde à laquelle la spectatrice peut facilement s’identifier, a réussi à apprivoiser ce sadique réputé sans sentiments. Stop la relation machiste (adopte-un-Christian.com) et unilatérale : les deux amants ont désormais autant besoin l’un de l’autre.

Est-il vraiment plus sombre ?

                Le titre nous le promet : la suite sera plus dark. Really ? Pour le coup, je n’ai pas compris cet aspect. Parce que notre Apollon apparait beaucoup plus serein que dans le premier épisode où nous l’avions quitté incapable de contrôler ses fessées au milieu de la célèbre chambre rouge. Là, il se montre à l’écoute de sa dulcinée, il entre même en mode canard.

Peut-être parle-t-on du passé sombre de Mister Grey ? Le pauvre a l’air marqué, il en fait même souvent des cauchemars… Mais heureusement, il peut compter sur la présence rassurante de sa belle. C’est même l’occasion de vivre l’une des plus belles demandes en mariage de l’Histoire du cinéma (bande de jaloux !). Mais encore une fois, cela ne semble pas plus sombre que dans l’original, bien au contraire.

Le Côté Obscur concerne-t-il les intrigues secondaires (oui je sais j’exagère) ? Cette ancienne soumise toujours love qui harcèle Miss Steele revolver à la main ? Ce nouveau boss pas très fair play au jeu de la séduction et qui frôle l’agression sexuelle sur son assistante ? Cette couguar jalouse du futur mariage (mince, je spoile…) de son ancien jouet et qui pourrait devenir très méchante ? J’avoue ne pas vraiment avoir ressenti de tensions particulières avec des histoires parallèles à peine effleurées…

Carré blanc, rouge ou rosé ?

                Effleurer, ou l’art de la transition. Parce qu’évidemment, le succès de la saga Grey au rayon littérature (sic…), c’est surtout de l’érotisme, du sado-masochisme, du sexe débridé ! Que nous propose ce merveilleux coup qu’est Christian ? Quantitativement parlant, on est servi. Le rythme du film est binaire : une scène de cul, une scène de transition, une scène de cul, etc…

Qualitativement, les préliminaires sont prometteurs : les situations de départ émoustillent. Des boules de geishas par-ci, un florilège de culottes retirées, des nouveaux objets de torture savamment utilisés… On a le droit à des fesses des torses, des seins, des lèvres qui se mordillent… bref, c’est prometteur.

Tout ça pour ça ! Là où le livre décrivait ces moments avec précision et approfondissement, le film reste une nouvelle fois à la surface. Mais finalement, comment pouvait-il en être autrement ? Entre un Jamie Dornan refusant de dévoiler son attribut phallique (même pour un million de dollars !) et des scènes juste simulées et hors cadre, cela ne pouvait pas aller bien loin. On assiste donc à une répétition lassante des mêmes coups de rein mécaniquement exécutés…

La bleuette des années 2015 ?

                Finalement, cette trilogie fan fiction issue de Twilight ne s’inscrit-elle pas dans la logique des bleuettes à la Pretty Woman (toutes mes excuses à Julia Roberts et Richard Gere), Coup de foudre à Notting Hill et autres Valentine Day ? Une jolie histoire d’amour au départ improbable mais qui nous prouve que Cupidon peut frapper à tout moment ? Une douce flèche dans ce monde de brutes ? Un retournement avec une relation unilatérale évoluant vers une vraie réciprocité ?

Un film à l’eau de rose, où une fille ordinaire peut se parer de jolies robes dans des réceptions mondaines où le caviar a remplacé les vulgaires cacahuètes… Un film facile à regarder, avec des dialogues légers. Oui, on peut même aller jusqu’à dire gnangnan, cucul, nunuches, insipides… Juste un exemple pour prouver que je ne suis pas de mauvaise foi ! Ce merveilleux passage où Anastasia cite Jane Austen et qui se conclue par un Feux-de-l’amouresque : « Mais Anastasia, qu’attendais-tu ? » « Toi, Christian ». Emotifs, s’abstenir…

On ajoute une touche de sexe et quelques apports du 3ème millénaire (portable, textos) pour coller à son époque et hop, on a une nouvelle référence dans la comédie romantique. Comédie, drame, thriller même pour certain(e)s… Comme ce passage très stressant où notre prince charmant des temps modernes a un accident d’hélicoptère. Mais en moins d’une minute, la télé nous rassure en disant que le pilote hors-pair a été retrouvé sain et sauf et ding dong, ce dernier arrive même immédiatement dans son appartement… Décidément trop fort ! (choix imposé au montage ?)

Pourquoi tant de buzz ?

                Pour moi, le film mérite clairement plus que son 1,5/5. C’est gentillet, c’est mignon tout plein. De là à se dire que la barre des trois millions va être dépassée, ça peut faire mal à ceux qui considèrent le cinéma comme le 7ème art mais au final, tout s’explique.

Comme son héros, la saga maîtrise parfaitement les codes du business. Les films peuvent déjà capitaliser sur un large public de lectrices. La promo est rôdée et fort développée avec des avant-premières spécial filles (quel sexisme !) à gogo. On mise sur l’identité girly pour vendre un produit médiocre. Aimer 50 nuances de Grey, c’est assumer une sexualité affirmée. Ne pas aimer pourrait vite cataloguer les réticentes de coincées…

Le capital social du cinéma agit. On va voir le film à la mode, c’est branché, on peut mettre une photo sur les réseaux sociaux et en parler en soirée. La qualité n’est plus un gage de réussite : ce qui compte, c’est de voir LE bon film du moment.

Et si on refaisait le film ?

                Parce que finalement, il y avait matière à faire un vrai bon film. Tout d’abord, en assumant son caractère sulfureux. Ratisser moins large en acceptant le risque de récolter un « Moins de 16 ans ». Choisir des acteurs qui acceptent de jouer vraiment les scènes de sexe (je vote Abdelattif Kechiche pour le numéro 3 !) en allant plus loin que ces préliminaires appétissants mais laissant sur sa faim (Cinquante Nuance de Love).

Deuxièmement, en renforçant le côté sombre. Les trois méchants potentiels pouvaient placer les tourtereaux dans une position vraiment embarrassante. Demandons à Paul Verhoven de réaliser les scènes entre Anastasia et son boss… Laissons Kim Bassinger rendre fou Christian, qu’elle le tourmente sans vergogne, qu’elle joue avec lui, que l’on craigne qu’il ne s’écarte de sa prétendante, qu’on sente le danger, l’enjeu. Rendons dangereuse cette petite Leïla, qu’elle vienne vraiment semer la discorde au sein du couple vedette, qu’elle blesse l’un des deux, qu’elle se suicide…

Bref, écartons-nous de cette bleuette pour assumer l’aspect thriller. Si certains plans évoquent de façon très lointaine un Eyes wide shut , le côté malsain de Stanley Kubrick fait cruellement défaut. Renforçons les dialogues (et si Tarantino acceptait de les écrire ?) en y intégrant une vraie tension, un vrai défi entre ce personnage masculin qui tente de tout contrôler et cette vierge effarouchée tentant de s’affirmer.

En guise de conclusion, le film ne mérite pas ni de se faire détruire par la critique, ni de se faire encenser par le box office. C’est léger mais tellement trop calibré, trop programmé, trop caricatural, trop lisse… Public, tu vaux bien mieux que ça.


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Marcel Duchamp
Marcel Duchamp, du Nord de la France. Slameur et cinéphile éclectique qui peut alterner entre blockbusters, films d’auteur, films français, américains, petits films étrangers, classiques du cinéma. J’aime quand les films ont de la matière : matière à discussion, à interprétation, à observation, à réflexion… Quelques films que j’adore pour cerner un peu mes goûts : Matrix, Mommy, Timbuktu, la Cité de la Peur, Mission Cléopâtre, Enemy, Seven, Fight Club, Usual Suspect, Truman Show, Demain, Big fish, La Haine, La Vie est belle, Django, Rubber, Shutter Island...

2 COMMENTAIRES

  1. je ne comprends pas pourquoi il est autant mal critiqué par les journaux au point que je me censure pour ne pas me fermer des portes. Je pense qu’il touche essentiellement les femmes étant donné le point de vue des livres, l’histoire et les hommes n’y sont pas sensibles. C’est vrai que les films sont moins poussés que les livres, logique par manque de temps. 50 nuances est bien mieux que les comédies romantiques classiques.

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