Un moment d'égarement harcelé

Un moment d'égarement séduction

 

Sortie: 24 juin  2015

Durée: 1h45

Genre: Comédie dramatique

Réalisé par Jean-François Richet

Avec Vincent Cassel, François Cluzet, Lola Le Lann et Alice Isaaz

Nationalité: Française

Musique : Philippe Rombi

 

 

 

 

 

Sur un coup de tête. 

 

Jean-François Richet a su se faire une petite place dans le monde du cinéma français en livrant des films coups de poings de haute facture tels que Ma 6-T va crack-er et surtout son dytique biographique sur Jacques Mesrine composé de L’instinct de mort et de L’ennemi public numéro 1.  Malgré l’incroyable succès de ses deux derniers films il n’a enchainé sur aucun autre projet et a passé un long moment loin des plateaux de tournage. Il a surpris le public français en revenant en 2015 derrière les caméras pour un projet loin de son registre habituel, optant désormais pour la comédie dramatique en réalisant Un moment d’égarement, un remake du film homonyme de Claude Berri sorti en 1977. Pour ce film il retrouve son compère Vincent Cassel avec qui il avait déjà coopérer sur les films racontant la vie de Jacques Mesrine. Le propos de base du film est extrêmement simple, nous faisant suivre  Antoine et Laurent, amis de longue date, qui décident de passer leurs vacances en Corse avec leurs filles respectives : Louna, 17 ans et Marie, 18 ans, de véritables petites incarnations du cliché de l’adolescente parisienne qui se sentent perdues sans réseau téléphonique. Un soir, profitant d’un bain de minuit sur la plage, Louna séduit Laurent. Ce dernier, passablement éméché après une virée en boîte de nuit avec les filles, se laisse prendre au jeu. Louna est amoureuse mais pour Laurent, ce n’est qu’un moment d’égarement mais surtout le début des emmerdes. Si on était en droit de s’attendre à énième comédie française de potes en été, on ressort presque troublé de la salle de cinéma tant tout ce qui suit le dérapage de Laurent peut être parfois profondément malaisant à regarder : harcèlement, contacts physiques presque forcés, chantage, tout y passe et les nerfs de ce pauvre Laurent vont être réduits en bouillie par la folie amoureuse de l’adolescente.

Un moment d'égarement baisé volé

Le début est hautement classique, même si on comprend assez rapidement que nous n’assisterons pas à une simple et pure comédie,  comme le laisse deviner l’once de pathétisme qui se dégage du personnage de Cluzet qui doit gérer son passif familiale avec son père et sa femme, avec qui son mariage semble battre de l’aile. Le personnage de Louna inquiète assez rapidement et nous laisse rapidement voir son coté obsessionnel dans la quête du grand amour unique et parfait qui devra être sien sans jamais défaillir. Dans cette écriture qui se montre assez maline et subtile dans son introduction on peut toutefois regretter certains clichés paternalistes à l’encontre des deux jeunes filles. Les clichés s’enchaînent avec maladresse et le traitement de l’adolescence révèle de l’affligeant. C’est bien connu, les adolescents sont d’étranges créatures incapable d’apprécier un cadre idyllique en corse si on ne peut pas aller sur Facebook.  Le jeu d’actrice de Lola Le Lann est assez perturbant. Il est assez rare de voir une si jeune actrice jouer de façon aussi crédible un personnage tour à tour adorable et manipulateur.  Son personnage provoque par moment un énorme sentiment de malaise tant elle est dérangeante et dérangée. Pour ce qui est de son physique il faut reconnaitre que le casting est parfaitement réussi tant elle représente à la perfection l’idéal fantasmé par beaucoup d’hommes de la femme qui entre dans l’âge adulte. À l’instar du personnage de Laurent nous ressentons le coté agréable et en même temps très gênant et surprenant de voir une telle jeune fille s’adonner au jeu de la séduction physique et à la nudité. L’expérience est volontairement troublante et le film fait mouche de ce coté là. Ce qui se présentait comme une comédie à la sauce Les petits mouchoirs laisse rapidement place à un film à l’ambiance plus scandaleuse et caustique. La petite erreur estivale entre un homme dans la fleur de l’âge et une jeune adulte se fait progressivement jeu de manipulation sexuelle tendu et de chantage. Un moment d’égarement jongle avec un bel équilibre entre les trois registres que sont la comédie, le drame et le film de manipulation.

Un moment d'égarement dos à dos

L’une des grandes forces de Un moment d’égarement est son sens du rythme. On ne s’ennuie pas une seule seconde, les situations s’enchaînent sans temps mort tout en prenant le temps de poser les séquences avec une belle maestria. Les moments de tension, qu’il s’agisse des moment d’interactions entre Laurent et Louna, ou de toutes les séquences dans lesquelles ce dernier se sent acculé par cette suite d’évènements qui le dépasse et le met dans une situation inconfortable vis à vis de tout le monde, sont extrêmement bien gérés, les acteurs étant tous excellents et campant leur personnage avec justesse. Vincent Cassel, on ne le présente plus, survole encore un film dont il est la tête d’affiche, incarnant parfaitement le parisien vieillissant mais se voulant encore cool et moderne. Cluzet fait du Cluzet, on pourrait parfois lui reprocher d’en faire un peu trop et de caricaturer son personnage du film Les petits mouchoirs quand il se met à beugler comme un vieil ahuris déphasé qui ne comprend rien à rien. Paradoxalement cela apporte un peu de cachet à son personnage de père corse incapable de voir que sa fille n’est plus un petit bébé qui joue encore à la poupée et ne s’intéresse pas aux hommes. Alice Isaaz n’est pas en reste et fait figure, à mes yeux, de petit coup de coeur tant je l’ai trouvé convaincante dans le role de la jeune fille blessée et trahie par ce père qu’elle voyait comme un véritable ami. Comme je l’ai souligné, le début patine un peu à cause de l’usage excessif de clichés et avec le personnage de Louna qui désarçonne dans son interprétation, mais lorsque le film rentre dans le coeur de son sujet au bout d’une vingtaine de minute le tout se débride et on se retrouve accroché jusqu’au générique final. La mise en scène de Richet est classique et ne révolutionnera en rien le cinéma mais reste bien au dessus de ce qui se fait dans la majorité des comédies françaises populaire. Quelques plans moyens et un ou deux travelling pour permettre au spectateurs d’apprécier les échanges entre les acteurs au milieu des décors de la Corse sauvage, ca ne mange pas de pain et ca reste plus appréciable qu’une succession de champs/contre-champs dans un cadre fixe montés d’une façon qui pourrait provoquer des crises d’épilepsies à son auditoire.

 harcelé

Certains pourraient être choqués par cette relation éphémère entre un homme de 45 ans et une très jeune adulte et cela serait compréhensible. Une polémique avait d’ailleurs éclaté à ce sujet en 2015. Toutefois, critiquer le film ou ne pas le voir pour cet aspect serait dommageable et peu pertinent car c’est cette idée qui est à la base de Un moment d’égarement. On ne peut pas reprocher au film d’être ce qu’il est alors que son but est justement de traiter de ce sujet. Il ne s’agit en rien d’un film qui fait l’apologie de la pédophilie comme certains ont pu le crier sur tous les toits. Il est question ici d’amour, de désir, de principes moraux. En quelque sorte le film parle de l’être humain dans ce qui fait sa complexité et son hypocrisie et se permet même quelques petits pied de nez assez savoureux car Louna apparait bien plus comme la prédatrice de Laurent que l’inverse. Le film est souvent génialement gênant. La gêne immense que provoquent de nombreuses scènes est, sans aucun doute possible, une belle qualité de cette production cinématographique. Cette gène est là pour servir le propos du film, pour faire naître une réflexion chez nous et surtout pour nous mettre dans la peau du personnage de Cassel afin de ressentir les craintes et angoisses qui lui traversent l’esprit. Un moment d’égarement est un bon petit film français, servant avec adresse des moments comiques, tragiques, dramatiques et absurdes sur fond d’amour impossible et inavouable. En ressort un film qui, étrangement,  dans sa conclusion arrive à nous donner le sourire. Ce n’est n’est pas un grand film, on est loin du chef d’oeuvre, mais il remplit parfaitement son objectif de film de divertissement populaire. Si tous les films populaires français actuels se rapprochaient de sa qualité et non d’une production signée par monsieur Boon, nous aurions certainement beaucoup moins de débats sur la qualité décroissante des films français destinés au grand public.

 


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