Cast members Mikey Madison, Yuriy Borisov and Mark Eydelshteyn pose during a photocall for the film "Anora" in competition at the 77th Cannes Film Festival in Cannes, France, May 22, 2024. REUTERS/Sarah Meyssonnier

Certains ont rebaptisé ce film « La Palme d’or ».
On ne parle plus de « Anora », on parle de son titre de noblesse.
Pour certains, c’est le gage d’un génie reconnu. Pour d’autres, c’est forcément pédant et surtout usurpé.
Et si on regardait ce film pour ce qu’il était et non pour l’image que l’on s’en fait ?

Car la vie est une histoire de choix, on le sait bien.
Il y en a même qui choisissent de se reprénommer.
Ne l’appelez pas Anora, appelez-la Ani.
Ne l’appelez pas Yvan, appelez-le Vanya.
Ani, c’est plus court, c’est plus raccourci. C’est moins riche, moins cortiqué, moins complexe.

C’est à quel moi qu’tu parles ?

Vanya, c’est Yvan qui cherche le sens, qui se met à l’envers (et contre tous). C’est dérangé, en bazar. Comme sa maison les lendemains de fête.
Il est en pleine quêquête d’identité.
Et si le but de la vie est de trouver qui on est, ce long-métrage met le focus sur une courte période où ces deux personnages vont partir vers un autre je, comme on agite ses doigts sur une manette de jeux vidéo. Aimer, ce n’est pas se regarder l’un l’autre, c’est regarder ensemble vers l’écran de Call of duty.

Trop, c’est assez ?

C’est l’histoire d’un Russe qui vit un peu le rêve américain. Une société de tous les excès, de tous les abus. Dollars, drogues et lap dances.
C’est un jeu où tout le monde joue son rôle, une farce gigantesque.
On rit car finalement, tout ça n’est pas très sérieux.
Comme si chaque personnage savait que le Vrai monde, ce n’était pas ça.
Mais c’est plus simple de prendre des shots de pilules bleus plutôt que d’accepter un Morphéus qui nous ouvre les yeux.

Ani semble aimer Vanya sincèrement, au-delà du strass et des paillettes. Même si tout ça doit bien lui tourner la tête, comme prise à son propre piège dans ce manège des billets qui s’amoncellent.
A moins que toute cette énergie ne soit due à tout ce rejet qu’elle a de sa vie. Elle déteste tellement son quotidien de d’habitude qu’elle s’abandonne complètement à l’instant dans ce monde-échappatoire.
S’échapper ailleurs, avec un autre patronyme, comme ces artistes qui s’inventent des blazes pour s’enfuir loin d’eux-mêmes qu’ils n’aiment pas.

Fils de

Pour Vanya, on peut aussi débattre sur l’ambivalence. L’acteur joue si bien le côté tête à claque mais quand même attachant. Je croyais en sa sincérité, mais c’est sûrement mon côté fleur bleue. On peut se dire aussi qu’il aimait cette fille sur lequel il peut exercer son pouvoir.
Son pouvoir de fils de.
Car s’il change son prénom, il ne change pas son nom.
Il est un nom. Un nom que l’on peut googler.
Et même quand il avance avec son autre prénom, son nom le rappelle à la raison du plus fort.
Yvan deviendra sûrement aussi cynique que son daron.

A l’opposé du clinquant, du devant de la scène, il y a les personnages secondaires.
Les sous-fifres, les invisibles.
Par exemple, il y a Igor.
Et lui, il s’appelle toujours Igor. Même si la jeune fille si séduisante n’aime pas ce prénom.
Tout au long de cette cavalcade effrénée, il reste fidèle à sa ligne de conduite, à son je.
Même quand il se fait mordre, même quand ça ne se fait pas de dire que le p’tit con devrait s’excuser.
Il est comme ça Igor, il ne se prend pas pour un autre.
Et lui, il aime Anora, sincèrement. Pour ce qu’elle est.
Igor aime Anora.
Pas Ani.


Laisser un commentaire