Date de sortie : 17 juillet 1981 (Corée du Sud), 6 septembre 2022 (réédition)
Réalisateur : Ko Young-nam
Acteurs principaux : Kim Young-ae, Yoon Il-bong, Lee Ki-seon, Hyun Hye-ri, Kim Geun-hie, Kim Min-gyu
Genre : Thriller, épouvante
Nationalité : Sud-coréen
Compositeur : Choi Jong-hyuk
L’avis d’Emmanuel
Thriller horrifique coréen du tout début des années 80, Soudain dans la Nuit fait partie de la prolifique filmographique de Ko Young-nam. Ce dernier met en scène Kang Yu-jin et Seon-hee, un couple interprété par Kim Young-ae et Yoon Il-bong, qui accueille une jeune femme de chambre, Mi-ok, jouée par Lee Ki-seon. Fille d’une prêtresse chamane récemment tuée dans un incendie, elle ne se sépare jamais de sa poupée en bois, dont le regard perturbe Seon-hee. De plus, Kang Yu-jin étant très occupé par sa thèse sur les papillons, il veille tard la nuit, dort dans une autre pièce et semble délaisser son épouse.
Véritable ambassadeur du savoir-faire coréen en matière de cinéma, Soudain dans la Nuit plonge le spectateur dans une ambiance angoissante, qui s’installe petit à petit dans ce qui s’apparente à une maison hantée par une poupée qui favoriserait l’apparition de mauvais esprits. Ko Young-man montre brillamment sa grande maîtrise de la caméra par des plans de travers et des travellings qui renforcent le caractère glauque des lieux. Outre une figurine représentant deux serpents formant le contour d’un cœur plusieurs fois mise au premier plan, le réalisateur use notamment d’un effet de kaléidoscope pour renforcer la paranoïa de Seon-hee.
Souffrante de cauchemars et de visions érotiques joliment retranscrites à l’écran, cette dernière s’imagine en effet que son mari la trompe et que Mi-ok veut la tuer pour prendre sa place dans sa propre maison. À travers des musiques soudaines et des regards percutants, Soudain dans la Nuit parvient efficacement à susciter l’effroi jusqu’à un final lorgnant davantage vers le fantastique. L’absence de doublages français n’empêche aucunement l’immersion, les dialogues en coréen étant en totale adéquation avec l’esprit de ce classique de l’épouvante.
L’avis de Nicolas
On connaît très bien le cinéma d’horreur japonais mais moins celui de la Corée du Sud. La ressortie dans une version restaurée de Soudain dans la Nuit de Go Yeong-nam permet de réparer cette injustice, et quel bon choix !
Le film se construit comme une paranoïa lente et progressive qui s’installe dans un couple bourgeois accueillant une jeune et belle domestique qui semble être obsédée par une statue ayant appartenu à sa mère. Cette statue et sa propriétaire vont très vite terrifier la maîtresse de maison, qui va plonger dans une folie destructrice.
Cette folie se manifeste dans un premier temps par l’usage d’un filtre par le cinéaste, qui représente l’intérieur d’un diamant. Cette expérimentation déglingue l’image comme si l’objectif était cassé depuis le début. Ce procédé assez fascinant nous met dans une posture angoissante car elle ne montre pas tout ce qui se déroule dans le plan et met en place une frustration. Face à cet usage, il ne reste qu’une question : où est la vérité ? Car cette déformation se manifeste souvent lorsque le point de vue de Seon-hee, l’épouse, est représenté. Ainsi, la représentation de la vérité est impossible et ne permet pas de soutenir la version des faits de cette dernière, qui semble être possédée par la folie.
Il faut attendre le dénouement assez impressionnant pour se rendre compte qu’il y a bien un problème avec la statue. Mais ce climax horrifique sert surtout de punition pour la protagoniste, qui avait élaboré un moyen de nuire à l’encontre de Mi-ok, la servante. Le dernier plan du film incarne alors un cynisme propre au résultat d’une malédiction et rappelle le cinéma d’horreur japonais.
Il faut donc découvrir Soudain dans la Nuit, qui est un véritable trésor cinématographique malgré les petites fautes de goût qui peuvent se manifester dans l’usage constant de ce procédé de déformation, qui s’incarne trop souvent de manière illogique par rapport au point de vue qu’il tente de représenter.