Les Aventures extraordinaires d’Adèle Blanc-Sec
France – 2010
Réalisation : Luc Besson
Scénario : Luc Besson
d’après : la saga d’Adèle Blanc-Sec
de : Jacques Tardi
Image : Thierry Arbogast
Montage : Julien Rey
Musique : Éric Serra
Producteur(s) : Virginie Besson-Silla
Production : EuropaCorp
Interprétation : Louise Bourgoin (Adèle Blanc-Sec), Gilles Lellouche (Inspecteur Léonce Caponi), Nicolas Giraud (Andrej Zborowski)…
Distributeur : EuropaCorp Distribution
Date de sortie : 14 avril 2010
Durée : 1h45
En cette année 1912, Adèle Blanc-Sec, jeune journaliste intrépide, est prête à tout pour arriver à ses fins, y compris débarquer en Égypte et se retrouver aux prises avec des momies en tout genre. Au même moment à Paris, c’est la panique ! Un œuf de ptérodactyle, vieux de 136 millions d’années, a mystérieusement éclos sur une étagère du Jardin des Plantes, et l’oiseau sème la terreur dans le ciel de la capitale. Pas de quoi déstabiliser Adèle Blanc-Sec, dont les aventures révèlent bien d’autres surprises extraordinaires…
Oeuvre de technicien et de producteur, Les aventures extraordinaires d’Adèle-Blanc Sec marque une régression dans les ambitions artistiques de Luc Besson. On voulait bien fermer les yeux sur son incursion sympathique dans l’animation 3D avec la trilogie d’Arthur, mais force est d’admettre que le cinéaste, le petit génie du cinéma français derrière Le dernier combat, Nikita et Léon, cet auteur attachant qui plaquait à une écriture française l’efficacité démesurée du cinéma hollywoodien, a un peu disparu. Ce n’est pas qu’on ait grand-chose à reprocher à son adaptation des péripéties du personnage créé par Jacques Tardi, puisque le film remplit parfaitement sa mission de divertissement, mais aux USA, pour pareille manœuvre commerciale, on n’aurait pas forcément choisi un grand nom de son calibre, mais plutôt un faiseur transparent.
« Les promesses n’engagent que ceux qui les croient » : la jolie phrase prêtée à Charles Pasqua résume en quelques mots une culture politico-médiatique en forme de miroir aux alouettes. Il n’y a qu’un pas à faire pour l’appliquer au cinéma, et Luc Besson nous tient la main : après tout, le poupon réalisateur n’avait-il pas annoncé vouloir s’arrêter à son dixième film ? Un Arthur après l’autre, une Adèle Blanc-Sec nous ont bien détrompés… Comment ? Vous dites ? « Ce n’est pas du cinéma » ? Ah, oui, en effet. Au temps pour moi.
Avec Adèle Blanc-Sec, le danger était grand. Luc Besson, donc, avec le concours de la superbe saga de Jacques Tardi. Pourtant, dès les premières images, on se rend compte que quelque chose ne va pas. Les filtres de couleur exceptés, nous voici précipités en plein Amélie Poulain 1910, avec les mêmes procédés narratifs, mais sans le talent burlesque du Jean-Pierre Jeunet d’alors. Et le récit s’emballe. Voilà que défilent à l’écran flics, journalistes, explorateurs, amoureux slaves, ptérodactyles, chasseurs, président de la République, petits roquets, moutons, spirites, momies et bourreaux. Confiez un tel catalogue à Joe Dante, vous aurez une merveille – confiez la même chose à Besson : vous n’aurez rien.
Le rythme du récit est précis : pas une séquence supérieure à deux minutes, et au moins un gag potache par séquence. Fertile en hommages / reprises pour le moins appuyés (avec une mention spéciale à Mathieu Amalric, parfaitement ridicule dans son personnage repris du René Belloq des Aventuriers de l’arche perdue), le film se veut conçu spécialement pour ne jamais susciter l’ennui. Verdict : c’est raté. On assiste avec circonspection au déroulement du grand huit – train fantôme que Besson semble avoir conjuré pour lui tout seul – comme si le réalisateur, qui semble retombé en enfance depuis les Arthur, avait décidé de se construire à son seul usage un bon gros jouet sorti de l’univers de Tardi.
Est-ce ainsi que l’on fait du cinéma ? Il en va de l’œuvre de Michael Bay comme de celle de Luc Besson : plus on met d’argent dans la production, moins il semble qu’un moindre tempérament artistique soit présent. Comme dans les Transformers, l’amusement du réalisateur semble la seule constante – et si Besson s’amuse, tout le monde devrait s’amuser avec lui, non ? Non.
Car, pour qu’Adèle Blanc-Sec suscitât le moindre intérêt, il aurait fallu que quelqu’un y crût, voulût donner corps à cette ribambelle glacée de sketchs sans âme. Mais Louise Bourgoin, qui fait sans doute de son mieux, surjoue et livre une performance de poissonnière, tandis que Besson lui-même semble avoir vraiment cessé de penser son cinéma. Parfaitement content d’aligner de jolies images sorties de sa vision de l’univers de Tardi, le réalisateur ne se pose aucune question. Mais il serait peut-être temps que Luc Besson se rende compte que de bonnes idées (ici tout de même passablement dévoyées) ne font pas seules un film, non plus qu’un budget conséquent. Il faudrait également un peu de talent, et d’implication de la part du réalisateur. Et de tout cela, Besson et son film en manquent cruellement.