Date de sortie : 17 novembre 2019 (1h 58min)
Réalisateur : Jon Favreau
Doubleurs principaux : Jean Reno, Michel Lerousseau, Lévanah Solomon, Rayane Bensetti, Anne Sila
Genre : Animation, aventure
Nationalité : Américain
Compositeurs : Hans Zimmer, Elton John, Tim Rice
Trois ans après le somptueux remake du Livre de la Jungle, Jon Favreau remet le couvert pour les vingt-cinq ans du Roi Lion dans une adaptation recréant les décors et les personnages avec de superbes images de synthèse nous plongeant en plein cœur de la savane africaine. Comme toujours, il s’agit pour Disney de livrer un film d’une grande fidélité à un dessin animé ayant marqué son époque, tout en y apportant son petit lot de nouveautés et de modifications. Plus que jamais dans esprit shakespearien, l’œuvre tente de montrer d’une nouvelle manière le destin de Simba, jeune lionceau qui doit faire face à son destin en trouvant par lui-même sa place dans le cycle de la vie. Certains artistes reprennent ainsi leur rôle d’origine, à commencer par Hans Zimmer qui réorchestre ses compositions d’une très belle manière en insistant davantage sur certains passages. Jean Reno réitère son doublage pour le roi Mufasa, mais le vieillissement de sa voix la rend moins majestueuse et donne l’impression que le personnage est fatigué comme pour annoncer que son règne allait cesser.
Le magistral Jean Piat étant malheureusement décédé en fin d’année 2018, il a fallu trouver quelqu’un d’autre pour doubler Scar en la personne de Michel Lerousseau, qui avait déjà prêté sa voix convaincante au mémorable Ernesto de la Cruz du pixar Coco. Pour Timon, Jamel Debbouze apporte un aspect comique plus marqué mais moins déjanté que Jean-Philippe Puymartin, tandis que Pumbaa perd son doublage reconnaissable pour une prestation qui manque de charme. Le doublage de Sébastien Desjours (VF de Bob l’Éponge) pour Zazu lui donne une voix encore plus joviale et aristocratique que dans le dessin animé, ce qui amène parfois le calao à surjouer. Juliette Degenne (VF de Famke Janssen et d’Uma Thruman) rend hommage à la reine Sarabi grâce à l’humilité et à la prestance de son doublage. Banzaï et Ed ont étrangement été renommés Azizi et Karami, le premier étant doublé par Jean-Baptiste Anoumon (VF de Jamie Foxx et de Michael B. Jordan) et le second renforce sa bêtise en étant désormais doué de paroles.
Elton John et Tim Rice sont également de retour dans l’élaboration des chansons. Fidèle au matériau d’origine, le film s’ouvre sur la très entraînante « Histoire de la vie » et son introduction reconnaissable par Lebo M. China Moses fait preuve d’une interprétation très enjouée avec une légère variante dans le rythme. C’est sans doute avec « Je voudrais déjà Être Roi » que la VF et le choix du réalisme montrent le plus leurs limites. Cette chanson peut en effet avoir des difficultés à convaincre avec la voix du jeune Ismaël El Marjou qui ne colle pas totalement ainsi que celle de Zazu qui fait clairement trop pompeuse, mais surtout à cause des plans de caméra qui peinent à retranscrire le visuel très coloré et hallucinatoire de l’animation d’origine. À deux doigts d’être retirée pour sa référence au nazisme, la chanson « Soyez Prêtes » a finalement été conservée bien qu’amputée d’une bonne partie de ses paroles, les seules en commun constituant les dernières phrases pendant lesquelles Scar monte en puissance (« Soyez prêtes pour le coup le plus génial, soyez prêtes pour le plus beau scandale. »). Si elle se trouve assez loin de la qualité de l’originale, Michel Lerousseau parvient tout de même à rendre ce moment fort grâce à un ton posé (« Mufasa fait partie du passé, d’une époque finie, révolue. […] Pour nous, les lions, les temps ont changé. ») qui monte en intensité avec une hargne particulière (« Je dis compromission, je dis conspiration, le crie humiliation : ces mots feront de moi le roi incontesté, respecté, salué, le seul dieu vivant qu’on acclame ! ») permettant à la mélodie d’accroître son intensité malgré la répétitivité des paroles finales (« Oui le roi vous invite à la fête : soyez prêtes ! »).
La célèbre chanson « Hakuna Matata » est toujours aussi drôle et comporte quelques modifications appréciables, en plus du fait que Timon et Pumbaa vivent cette fois-ci en communauté avec toutes sortes d’animaux. En référence à l’engouement qu’elle avait provoqué à la sortie du dessin animé, Timon et Pumbaa s’étonnent du manque de réaction de Simba lors du démarrage (« C’est tout ce que ça te fait ? D’habitude, c’est l’euphorie ! »). Lorsque Pumbaa raconte son passé, le flashback le dévoile cette fois-ci comme un petit marcassin. Et mieux encore, le phacochère s’étonne que Timon ne l’arrête pas avant qu’il ne termine enfin sa phrase « … à chaque fois que je pète. » en plus de concrétiser physiquement l’échappée de gaz, ce dernier ayant lâché l’affaire après vingt-cinq ans de répétitions acharnées. Leur reprise de « Le Lion s’endort ce soir » est également allongée d’un peu plus d’une minute avant que Nala réalise un effet de surprise en leur bondissant dessus. Assez similaire à l’originale, la chanson romantique « L’Amour brille sous les étoiles » est ici interprétée par Anne Sila mais avec la voix de Michaël Lelong (VF de Simba adulte) en fond, offrant ainsi un timbre différent.
Une nouvelle chanson nommée « Pour Toi » est également assurée par Anne Sila (ou Beyoncé en VO) lorsque Simba court pour rattraper Nala en retournant vers la Terre des Lions. En plus des chansons « Never Too Late » et « Mbube » respectivement interprétées par Elton John et Lebo M, ce dernier revisite la chanson d’introduction du Roi Lion II « He Lives in You ». On trouve aussi une référence à « C’est la Fête » de La Belle et la Bête à la place de la chanson populaire américaine « Hawaiian War Chant » lorsque Timon et Pumbaa font diversion pour que les hyènes ne repèrent pas Simba et Nala. Le dîner-spectacle organisé par Lumière est bien adapté à l’appât que représente Pumbaa et rapidement reconnaissable avec les paroles « Détendez-vous, ne pensez plus à rien, prenez place et laissez la haute gastronomie française vous présenter… votre dîner ! C’est… la… f…» avant que le duo ne parte en courant pour échapper aux hyènes.
Figure machiavélique s’il en est, le traitement de Scar est certes moins marquant que dans le dessin animé mais pas moins intéressant pour ce qu’il propose. Dans la continuité de la séquence montrant la beauté des lieux avec une petite souris qui trottine sur les pierres du Rocher de la Fierté avant d’arriver dans le repère de Scar, ce dernier émet un parallèle intéressant entre les différences de richesses qui submergent le monde (« Tandis que certains naissent dans l’abondance, d’autres passent leur vie dans l’obscurité, à quémander des miettes ! »). S’adressant au rongeur d’une manière plus personnelle (« La vie est injuste, n’est-ce pas mon jeune ami ? »), il va jusqu’à dire qu’il ne voit encore différence entre leurs deux situations tant il se sent mis à l’écart des autres lions. Cette rancœur s’oppose fortement à la bonté dont Mufasa fait preuve lorsqu’il affirme à Simba que « quand chacun se demande ce qu’il peut gagner, un vrai roi se demande ce qu’il peut offrir. ». Il est aussi intéressant de noter qu’on la retrouve symboliquement la souris indemne à la fin du film, au même moment que la nature revit lorsque Simba reprend sa place en tant que roi.
Tandis que Scar évoque un duel passé entre Mufasa et lui-même dont il garde un souvenir amer, la cicatrice au niveau de son œil gauche semble y trouver son origine. Défaite qui pourrait tout aussi bien expliquer le fait que Scar craigne un affrontement de face avec Mufasa, et qu’il craigne d’autant plus la comparaison que les autres personnages font entre les deux frères quand le pouvoir bascule. Fait étrange : avant que Scar ne rassemble les hyènes pour assouvir sa soif de vengeance, il ne semblait pas connu de ses dernières lorsqu’il arrive vers elles, ces dernières ayant l’impression de revoir Mufasa venir au loin. Une idée loin d’être mauvaise si ce n’est qu’elle aurait mérité d’être approfondie pour gagner en clarté et en crédibilité. Les hyènes sont mises en avant d’une manière différente en se montrant d’emblée nombreuses lorsque Simba et Nala s’aventurent dans le cimetière d’éléphants. Shenzi gagne fortement en charisme en devenant un leader bien plus prononcé, sortant en dernier de sa tanière en arborant une carrure autrement plus imposante que ses congénères. Lors d’un combat final amélioré et intensifié grâce à la musique d’Hans Zimmer qui reprend sa mélodie de la poursuite des gnous avec un timbre à l’esprit bien plus combatif, Shenzi s’émancipe encore avec un joli face à face contre Nala avant de brillamment se retourner contre Scar en lui rappelant qu’effectivement, « le ventre d’une hyène n’est jamais plein ».
Si la séquence pendant laquelle Zazu chantait diverses références musicales pour Scar depuis la cage thoracique qui lui servait de prison a été supprimée, une toute nouvelle scène renforce le personnage de Nala en la faisant se lever en pleine nuit afin de quitter la Terre des Lions et trouver de l’aide. Ce passage montre clairement la terreur dans laquelle Scar les a plongés alors que Nala est obligée de s’infiltrer prudemment pour échapper à la vigilance des hyènes qui rôdent ainsi qu’à celle du tyran veille sur les lieux car semblant avoir compris que quelque chose se tramait. Plus mégalomane que jamais, Scar va encore plus loin en proposant à Sarabi de devenir sa reine pour apaiser sa faim, lui qui affirmait déjà au début du film qu’il avait un profond respect pour elle. Mais alors que Sarabi refuse fermement en lui précisant que la pénurie de gibier était due à la chasse excessive qu’il avait mise en place, il reste encore dommage que cet apport scénaristique n’ait pas non plus été approfondi tant il pouvait s’avérer intéressant dans la relation des personnages en lutte pour l’acceptation et le pouvoir. La mère de Simba conserve cependant l’intérêt de son rôle tandis qu’elle devine cette fois-ci la vérité quant à la mort de Mufasa en entendant Scar murmurer aux oreilles de son fils.
Le film contient d’autres changements plus mineurs, notamment en ce qui concerne Rafiki, qui grave cette fois-ci la silhouette de Simba grâce à des insectes nocturnes sur son arbre. Avant que le babouin ne récupère la mèche de poils de Simba adulte, celle-ci est emmenée au loin par différents animaux (un oiseau, une girafe, un bousier puis une colonie de fourmis) pour symboliser le cycle de la vie. Afin d’échapper aux hyènes suite à la mort de son père, Simba se cache simplement dans un petit renforcement en contrebas de la falaise en lieu et place du champ de ronces. Bien réussi dans son ensemble, le film ne met cependant pas tout le monde d’accord en ce qui concerne le choix réaliste des animaux sans animation rajoutée, qui peine effectivement à convaincre totalement du fait que les personnages se retrouvent avec une personnalité moins marquée. Et c’est l’illustrateur Nikolay Mochkin qui, en proposant des faciès de personnages reprenant le design du dessin animé, a montré qu’il aurait été possible de rendre le tout plus expressif. S’il n’est pas tout à fait aussi réussi que d’autres remakes Disney à cause d’un doublage imparfait et d’un réalisme poussé qui trouve ses limites, Le Roi Lion reste une revisite bien soutenue et très intéressante à plus d’un titre.