Pays : États-Unis
Année : 2003
Casting : Billy Crudup, Albert Finney, Ewan McGregor, Jessica Lange

 

Ces dernières semaines, plusieurs grosses productions Hollywoodiennes abordaient de manière différente une même thématique : l’héritage du père. Ainsi, « Le roi Arthur » jouait de l’aspect mythologique de la passation d’Excalibur en transformant le père en réceptacle de celui-ci. Le second volet des « Gardiens de la Galaxie » confronte Star Lord à son père. Quant au cinquième « Pirates des Caraïbes »,on retrouve cela dans chaque protagoniste important. Henry Turner est motivé pour libérer son père de sa malédiction comme celui-ci avant lui, Salazar lâche au détour d’une réplique que son père et son grand-père ont été tués par des pirates, Jack Sparrow reçoit son compas d’un homme qui semble être une forme de père spirituel et Carina tente d’atteindre un trésor par l’interprétation qu’elle se fait de l’héritage de son père. Pour rester dans cette thématique, nous allons aborder avec un film qui le fait de manière plus personnelle encore : « Big Fish » de Tim Burton.

 

William Bloom est lassé des histoires fantaisistes de son père Edward. Mais quand la santé de ce dernier s’aggrave, il va chercher la signification derrière celles-ci.

Quand Tim Burton œuvra sur « Big Fish », il était à un cap de sa vie où il allait devenir père et où ses propres parents étaient décédés. C’est quelque chose de non négligeable à savoir une fois que l’on regarde ce film. Même si ses relations avec ses parents étaient compliquées, leur décès l’a marqué fortement, sachant qu’il venait aussi de connaître des problèmes sur les tournages de « Superman lives » (finalement annulé) et sa version de « La planète des singes ». « Big Fish » se ressent alors au début comme une forme d’évacuation de ses soucis personnels et d’une bulle filmique où il peut mettre à profit son univers ainsi que ses frustrations dans un récit qu’il décrit comme plus « personnel » et modeste.

Au vu du synopsis, on pourrait croire que Burton s’est totalement identifié en William au vu de la perte qu’il a subie, en cherchant à se réconcilier avec ses parents de manière filmique. Sauf que l’on remarque vite qu’il s’est en fait dilué dans ses deux héros. Le réalisateur de « Sleepy Hollow » met ainsi de son amour de raconter des histoires rocambolesques dans Edward, tout en exprimant sa peur de connaître avec son fils les mêmes soucis qu’il a connus son père. C’est donc un récit exutoire en tant que fils en quête de réconciliation et en tant qu’homme qui a « peur » de sa paternité.

Les histoires d’Edward trouvent aussi une signification dans la manière de raconter une histoire. La dualité qu’elles expriment (réalité contre fiction) se retrouve d’abord dans la photographie du film ainsi que son imagerie, évidemment bien plus iconiques dans les récits paternels. Néanmoins, ces derniers trouvent leurs forces sur ce qu’elles racontent sur la réalité. En effet, on oublie souvent que toute histoire a une origine et qu’elles signifient toujours quelque chose, sur la société dans laquelle on vit ou bien sur la personne que nous sommes. Cela se retrouve dans le choix d’Helena Bonham Carter en trois personnages différents (la signification étant expliquée clairement par celle-ci dans le film, nous ne vous la dévoilerons pas).

Mais encore plus, cela prend une nouvelle tournure une fois que l’on se rappelle que l’on fait face à une œuvre cinématographique. Burton lui-même semble s’adresser à nous afin de nous rappeler que, tout aussi invraisemblable semble-t-elle, une histoire a TOUJOURS un sens. Aller chercher dans celle-ci une forme de strict réalisme semble ainsi vain car elle se raccroche toujours à quelque chose de vrai. Il est alors peu étonnant de voir apparaître à plusieurs reprises un exemplaire du « Héros aux mille visages », abordant la théorie du Monomythe de Joseph Campbell et de la force de ceux-ci par rapport aux sociétés dans lesquelles ces mythes se sont créés. Il devient donc plus intéressant de chercher la signification d’une histoire et son lien avec le réel que d’imposer une forme de réalisme strict en balayant tout ce qui touche à l’imaginaire.

Avec « Big Fish », Tim Burton signe donc une œuvre cinématographique aussi bien lumineuse que poignante, touchant à l’intimité d’un homme autant qu’à la force d’un art collectif. N’est-ce pas la marque, si pas d’un chef d’œuvre,  d’un grand film, de ceux qui vous touchent profondément ?


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Liam Debruel
Amoureux du cinéma. À la recherche de films de qualités en tout genre,qu'importe la catégorie dans laquelle il faut le ranger. Le cinéma est selon moi un art qui peut changer notre vision du monde ou du moins nous faire voyager quelques heures. Fan notamment de JJ Abrams,Christopher Nolan, Edgar Wright,Fabrice Du Welz,Denis Villeneuve, Steven Spielberg,Alfred Hitchcock,Pascal Laugier, Brad Bird ,Guillermo Del Toro, Tim Burton,Quentin Tarantino et Alexandre Bustillo et julien Maury notamment.Écrit aussi pour les sites Church of nowhere et Le quotidien du cinéma. Je m'occupe également des Sinistres Purges où j'essaie d'aborder avec humour un film que je trouve personnellement mauvais tout en essayant de rester le plus objectif possible :)

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