La critique du nouveau film (totalement déjanté) d’Eric Judor. Une bonne surprise, pour une fois, concernant la comédie française.
Dans l’esprit absurde de ses pubs pour EDF, Judor poursuit un parcours atypique, avec une comédie à l’esprit doux dingue, à l’aise dans le politiquement incorrect qu’elle sonde constamment, en forme de remake comique des dernières saisons de The Walking Dead, évidemment sans le moindre morceau de zombie à l’intérieur.
Réalisateur : Eric Judor
Acteurs : Blanche Gardin, Célia Rosich, Karine Valmer, Michel Nabokoff, Blandine Ruiz
Genre : Comédie
Nationalité : Français
Distributeur : StudioCanal
Date de sortie : 10 mai 2017
Durée : 1h25mn
Jeanne et Victor sont deux jeunes parisiens de retour de vacances. En chemin, ils font une halte pour saluer leur ami Jean-Paul, sur la prairie où sa communauté a élu résidence. Le groupe lutte contre la construction d’un parc aquatique sur la dernière zone humide de la région, et plus généralement contre la société moderne, la grande Babylone. Séduits par une communauté qui prône le « vivre autrement », où l’individualisme, la technologie et les distinctions de genre sont abolis, Jeanne et Victor acceptent l’invitation qui leur est faite de rester quelques jours.
Lorsqu’un beau matin la barrière de CRS qui leur fait face a disparu, la Communauté pense l’avoir emporté sur le monde moderne. Mais le plaisir est de courte durée : à l’exception de leur campement, la population terrestre a été décimée par une terrible pandémie. Ce qui fait du groupe les derniers survivants du monde. Va t’il falloir se trouver de nouveaux ennemis pour survivre ?…
Après l’échec du coûteux La tour 2 contrôle infernale, Eric Judor ne jette pas l’éponge, bien au contraire. Il revient, plus ambitieux que jamais, sans budget, mais avec une bonne dose de dialogues féroces d’imbécillité lunaire pour un film de science-fiction sans effets spéciaux, sorte de huis-clos en plein air, au cœur d’une ZAD idyllique (ou presque), à l’aube d’un « pain de mie »…pardon, « pandémie », puisqu’un virus a exterminé l’humanité à l’exception des quelques altermondialistes ultrasensibles aux ondes de portable et autres appareils de communication modernes.
Le postulat est truculent. Le citoyen joué par Judor part en vacances bon gré mal gré sur ce terrain idyllique tenu par l’ancien prof de yoga de son épouse. Récalcitrant, son personnage de père de famille cynique, ironise, multiplie les sarcasmes envers une communauté qui, il est vrai, est habitée par des dingos et le verbe loufoque de l’absurde. Son adaptation à cet esprit hippie donne lieu à des sketchs hilarants.
Le passage à l’état de siège par la menace extérieure est progressive et vient révéler les failles d’un système utopiste où l’amour de l’autre et la haine de la civilisation, systématiquement renvoyée à Babylone, deviennent l’objet de lutte des pouvoirs et surtout résonnent creux et hypocrite, alors que se crée à nouveau un schéma de hiérarchie et de lutte des classes, engrais favorable à la jalousie et donc à la haine, à l’hystérie collective…
Peu à peu, l’on glisse tout simplement vers un remake à peine caché de The Walking Dead, où l’on sonde les vils instincts humains en temps de crasse et de communautarisme, Judor se voyant bien érigé en nouveau leader face à un stéréotype de femme ultra-gauchiste qui a baptisé son fils/fille(?)… « l’Enfant, pour lui laisser la liberté de choisir son prénom quand il en aura l’âge. Sous les idéaux libertaires de celle-ci se cachent évidemment mauvaise foi, mensonge et manipulation, à l’instar loufoque du chamane hirsute en transe qui s’avère être que Claude le clodo, qui, une fois l’usurpation révélée devient un paria qui schlingue, à ostraciser de la yourte. L’entre-aide a ses limites : les odeurs !
Avec un filmage aussi minimaliste que les décors, Eric Judor réalise son 3e long avec des bouts de ficelle, fidèle à son humour dévastateur qui pointe les travers de l’humain pluriel, qu’il soit citadin cynique ou écolo de pacotille, le résultat est ravageur et l’hypocrisie exposée de toute part. Face à cette suite de dialogues acerbes, où l’humour bêta est féroce, l’on rit beaucoup de cette humanité à la dérive. Judor a compilé dans cette fable de bricole le meilleur de son humour poil-à-gratter. Problemos est un délire assumé qui assure l’euphorie sur toute sa durée, ce qui n’est jamais gagné avec les comédies d’aujourd’hui.