Sortie : 22 Janvier 1997 en salle, 3 Décembre 2024 en blu-ray
Durée : 2h09
Genre : Comédie Dramatique
De Otar Iosseliani
Avec Amiran Amiranachvili, Dato Gogibedachvili, Guio Tzintsadze, Nino Ordjonikidze, Aleqsi Jakeli
Dans Brigands Chapitre VII, les images commentent la dictature à travers les âges. Otar Iosseliani continue de produire des images silencieuses, pourtant lourdes de sens.
Le cinéaste géorgien n’a cessé de réaliser un cinéma fondé sur le silence. La dynamique qui caractérise son œuvre repose avant tout sur un sens du cadre permettant de s’imprégner du monde dans toute sa laideur et sa beauté. Le plan devient un microcosme qui scrute les réalités matérielles des sociétés. Ainsi, Brigands Chapitre VII s’inscrit dans cette dynamique en relatant, à travers les âges, la dureté des régimes dictatoriaux géorgiens.
Comme Jacques Tati, cinéaste avec lequel il est souvent comparé, Ioseliani utilise le silence et une forme de comique macabre pour réaliser une étude comparative des régimes dictatoriaux. Ainsi, l’histoire se répète constamment, et les signes modernes de la dictature et du fascisme se retrouvent chez un monarque géorgien du siècle dernier. C’est de cette manière que le film confronte le spectateur à une certaine vérité : le monde ne change pas.
Le processus de mise en scène, qui consiste à intervertir les temporalités, permet également une forme de confusion et de mélange des images. Ainsi, la thèse du cinéaste est appliquée de la manière la plus stricte : le temps n’est pas une question d’écoulement, mais de répétition.
La dictature n’est qu’une forme qui évolue et traverse les siècles tout en imposant la même terreur. Le meilleur exemple de cela dans le film est un ensemble de séquences à travers les âges représentant la torture. La torture est, bien évidemment, l’outil le plus évident des régimes dictatoriaux. Le cinéaste s’autorise donc à en exposer les aspects les plus féroces et la réalité la plus brute. On y voit comme une forme de sociologie de la torture, avec un personnage récurrent à travers les époques qui assiste à la violence de ces régimes.
Il y a donc une véritable monographie de la torture, dont l’existence ne varie que selon les moyens techniques de violence. L’aspect industriel de la destruction de l’être humain est d’ailleurs mis en évidence, rappelant les régimes fascistes et nazis des années 40. Le cinéaste s’expose à un grand risque en osant la comparaison entre le régime actuel de la Géorgie et les horreurs du passé.
C’est en cela que Brigands Chapitre VII est un film particulièrement réussi, et peut-être l’un des plus beaux de son auteur, car il ose nous exposer la réalité de son pays, à l’instar de son précédent documentaire, Seule, Géorgie, qui mettait en lumière, à travers des images d’archives, la stabilité de la Géorgie. Otar Ioseliani est donc un magicien de l’image, qui mêle habilement la fiction et la réalité la plus brute.
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