Depuis sa création littéraire par sir Arthur Conan Doyle, Sherlock Holmes a connu de nombreuses variations artistiques. Nombreux sont ceux qui se sont attaqués au personnage, avec plus ou moins de réussite. Aujourd’hui, nous allons rapidement nous attaquer à l’une de ses meilleures adaptations : « Sherlock ».
La série produite par la BBC replace le fameux détective dans le Londres actuel. Ce qui aurait pu donner quelque chose d’assez fade, voire interchangeable (« Elementary »), trouve un charme fort ici. Peut-être est-ce dû à l’ambiance purement british qui s’en dégage, mais les créateurs de « Sherlock », Steven Moffat et Mark Gatiss (également interprète de Mycroft) ont réussi à garder la saveur des intrigues et des personnages originaux en les étoffant de manière moderne. Moffat, également derrière les dernières saisons de « Dr Who », a déclaré que si Conan Doyle voyait sa série, il finirait frappé mais peut-être oublie-t-il que l’auteur jouait aussi avec ses lecteurs. Les fans se rappellent sans doute du premier épisode de la troisième saison et la manière dont il s’amuse avec la résolution du cliffhanger de la saison précédente. Les showrunners jouent donc autant avec les histoires originales (Le Chien des Baskerville) qu’avec leur public (le traitement de Moriarty dans la saison 4).
« Sherlock » est construite en quatre saisons de trois épisodes auxquels s’ajoute un épisode de Noël qu’il ne faut surtout pas mettre de côté au vu de l’amusement et de la certaine importance qu’il représente ainsi qu’un autre épisode de sept minutes. Au vu de sa structure, il est intéressant d’y déceler quelque chose sur la construction même des liens entre les personnages. Le climax de l’épisode pilote a lieu dans deux bâtiments à la ressemblance exacte et amenés dans un plan symétrique. Le suspense se joue sur la présence de Sherlock en péril et du docteur Watson qui tente de le sauver. La résolution du climax fait comprendre que les personnages trouvent une forme de symétrie par leurs personnalités. La série tentera par la suite de faire évoluer le duo en trio, que ce soit par la présence d’un personnage amical (Mycroft), rival (Moriarty) ou plus ambigu (Irene Adler). Néanmoins, ces tentatives de structure triangulaire se brisent toujours, par le dédain fraternel, la distance ou bien la mort. Même quand le Docteur Watson se trouvera une compagne, la structure triangulaire finira à nouveau brisée. Il faudra attendre le dernier épisode de la quatrième saison pour que la série assume des structures triangulaires, que ce soit par Sherlock, Watson et Mycroft piégés ensemble ou bien par la nature de l’ennemi, sa relation avec deux de ses « prisonniers ».
Cet aspect structuré se retrouve appuyé par la mise en scène, structurée comme l’est l’intellect de Sherlock Holmes (je vous recommande d’ailleurs l’excellente vidéo de Nerdwriter, que je vous remets plus bas). Il y a toujours une forte inventivité et une même malice inhérente à l’esprit même de la série. Il faut également ajouter un travail d’écriture allant dans le même sens. Il faut voir comment la première saison montre Sherlock sous des traits charismatiques mais également peu marqué avant que la deuxième saison ne l’humanise et lui place des failles avec un nouveau sentiment par épisode (l’amour, la peur, la colère). Son ego en prend un coup mais cela rend notre héros encore plus attachant, par sa maladresse sociale et par son génie un peu plus remis les pieds sur terre. Il faut également noter comme il est marqué par un traumatisme infantile annoncé plusieurs fois (même dans l’épisode de Noël) mais expliqué lors du final de la saison quatre. Son addiction à la résolution d’énigme s’expliquera alors par une « devinette » qu’il n’aura pas su résoudre plus jeune. Sherlock doit dépasser ses problèmes d’enfance afin d’être un meilleur homme.
Il y aurait beaucoup à dire sur cette série mais il serait dommageable de tout vous dévoiler. C’est à vous de découvrir cette série inventive, malicieuse et passionnante qui mérite un visionnage d’urgence si vous ne l’avez pas encore vue. « Sherlock » est en effet une série addictive, dont le dernier épisode provoque le tiraillement entre en avoir plus ou terminer sur cette fin parfaite. À vous de juger si vous ressentez cette même sensation que votre serviteur mais en tout cas, foncez sur « Sherlock » si ce n’est pas encore le cas ! Passer à côté d’une série aussi intelligente et addictive, ce serait un énorme gâchis…
La vidéo de Nerdwriter sur la manière de filmer les pensées dans la série :
https://www.youtube.com/watch?v=bfFgnJoLiQE&t=4s