KINGSMAN 2 : LE CERCLE D’OR
La franchise so British se taille une suite sur mesure, détonante et visuellement époustouflante, presque à la hauteur de son prédécesseur. Un style assumé et maîtrisé qui débarque avec autorité sur les terres américaines pour de nouvelles aventures assourdissantes.
Réalisation : Matthew Vaughn
Scénario : Jane Goldman, Matthew Vaughn
d’après : la bande dessinée The Secret Service
de : Mark Millar, Dave Gibbons
Interprétation : Taron Egerton (Gary « Eggsy » Unwin, alias « Galahad »), Colin Firth (Harry « Galahad » Hart), Julianne Moore (Poppy Adams), Mark Strong (Merlin), Halle Berry (Ginger Ale), Pedro Pascal (Agent Whiskey), Channing Tatum (Agent Tequila), Jeff Bridges (Agent Champagne), Elton John (lui-même)…
Distributeur : Twentieth Century Fox France
Date de sortie : 11 octobre 2017
Durée : 2h21
KINGSMAN, l’élite du renseignement britannique en costume trois pièces, fait face à une menace sans précédent. Alors qu’une bombe s’abat et détruit leur quartier général, les agents font la découverte d’une puissante organisation alliée nommée Statesman, fondée il y a bien longtemps aux Etats-Unis. Face à cet ultime danger, les deux services d’élite n’auront d’autre choix que de réunir leurs forces pour sauver le monde des griffes d’un impitoyable ennemi, qui ne reculera devant rien dans sa quête destructrice.
Il est difficile de reprocher au réalisateur du rafraîchissant Kick Ass de ne pas savoir s’entourer tant la distribution du sequel de Kingsman : Services secrets est impressionnante. Elle compte pas moins de cinq acteurs oscarisés (notamment Jeff Bridges ou encore Halle Berry). Déjà, le premier volet avait frappé un grand coup avec la réunion de l’impeccable trio Colin Firth, Samuel L. Jackson, Michael Caine, auquel venait se greffer la révélation Taron Egerton dans le rôle du talentueux Eggsy.
Pour Le Cercle d’Or, l’impétueux Matthew Vaughn a convoqué notamment Julianne Moore pour un grand rôle féminin qui manquait au premier film. Elle vient faire office, et non sans délectation, de grande méchante dans ce deuxième film aux ambitions commerciales évidentes (le premier avait surpris en s’appropriant plus de 414M$ dans le monde).
La belle rousse, tout en nuances, incarne une trafiquante de drogue, fan des fifties, souffrant d’un incurable manque de reconnaissance. Le plan meurtrier de cette dernière va contraindre le jeune Eggsy à poursuivre son apprentissage de l’autre côté de l’Atlantique après la destruction du QG de l’organisation Kingsman. L’espion pourra toujours compter sur sa fidèle équipe de choc, dont son mentor Harry Hart, qui fait un retour inattendu toujours sous les traits du genialissime Colin Firth, mais aussi sur ses nouveaux compagnons de chez « Statesman », les homologues américains de nos tailleurs anglo-saxons préférés.
C’est à Londres que vont toutefois retentir les premiers bruits de moteurs avec une scène d’action dantesque mettant aux prises l’agent Galahad « junior » face à un ancien prétendant au titre, Gonzo, qui a visiblement la défaite amère. Malgré quelques longueurs scénaristiques et un humour parfois lourd, nous sommes plongés assez rapidement dans l’atmosphère qui a fait le succès du premier long métrage.
La suite des débats prendra place dans une ambiance très Far West (voir l’affiche cinéma, pas très hype) avec l’arrivée d’un Pedro Pascal (Game of Thrones, Narcos) maniant à merveille le lasso, d’un Channing Tatum maître de la gâchette, d’un Jeff Bridges accro au cigare et enfin d’Halle Berry en grande stratège.
Ces quatre personnages vont dès lors incarner une exagération amusante de l’image justicière de l’Amérique. Une savoureuse guerre des cultures se met alors en place où le raffinement British se heurte à la rudesse caricaturale des frustres cowboys.
Alors que le premier film avait été marqué par sa critique du système des classes britanniques, Le Cercle d’Or vient s’attarder sur la vulnérabilité de chaque groupe social face à la consommation de drogue mais aussi la diabolisation de ses usagers à travers un chef d’Etat aux manières peu orthodoxes. Certains y verront un clin d’œil à l’actuel président, on n’en dira pas plus.
Du côté des performances d’acteurs, Moore brille de talent et d’élégance à chacune de ses scènes éclipsant facilement ses petits camarades à l’écran. Pendant ce temps, Egerton continue de faire ses preuves tout en tentant de gérer sa relation royale avec le tout Hollywood. Sûr de lui, avec son flegme inné, Colin Firth nous enchante dans ce portrait plus vulnérable de Harry Hart.
Du côté des agents étasuniens, Channing Tatum offre une composition jouissive dans la peau du bien-nommé Agent Tequila alors que Pedro Pascal, extrait de son bocal télévisé, est solide pour son premier grand rôle au cinéma. En revanche, les interventions de Halle Berry et Jeff Bridges apportent peu à leurs personnages, et ne parviennent pas à justifier leur présence à l’écran.
Ce plaisir d’acteur et des bonnes phrases fait de Kingsman une comédie toujours efficace. D’autant qu’en tant que film d’action, Le Cercle d’Or ne déçoit jamais et ce peut-être au détriment de son scénario plus simpliste qui frôle parfois les sorties de route. Cependant le flot d’images sensationnelles mis en valeur par un casting cinq étoiles nous submerge de bout en bout sans vraiment défaillir. On attend la trilogie avec impatience ! Le 3e volet a été posé pour 2019 et Vaughn devrait revenir.
L’ANALYSE :
Si Kingsman : Le Cercle d’or semble reproduire à l’identique la formule du premier volet, celle d’un film d’espionnage désinvolte et cartoonesque, deux petites différences le distinguent de son aîné. La première tient à la disparition de l’horizon adolescent, au cœur de Kingsman : Services secrets mais aussi de X-Men : First Class du même Matt Vaughn, qui conférait aux surhommes des deux films (les apprentis agents de la société secrète d’un côté, les jeunes mutants de l’autre) un supplément d’âme et de fragilité contenu dans logique narrative du récit d’apprentissage.
La seconde, plus embêtante, concerne la mutation discrète du cartoonesque, qui parfois se grippe, s’enraie à cause des tracas humains qui affectent les personnages. Par exemple, lorsque Harry Hart (Colin Firth) s’apprête à rejouer la scène emblématique du premier volet où il affrontait les clients belliqueux d’un bar mal famé, la logique de la situation (l’enchaînement des mots soigneusement choisis, l’articulation des coups portés) est perturbée par le traumatisme subi entre-temps par le personnage, dont les capacités physiques et cognitives ne sont guère au mieux.
D’un film à l’autre, l’attachement que porte Vaughn à ses personnages s’est développé au point de nuire à ce qui fait leur singularité, à savoir un devenir robotique travaillé au cœur de la mise en scène (des corps conditionnés pour la performance et la gaudriole) qui entre ici en contradiction avec les enjeux portés par le scénario (le deuil, la perte, l’amnésie, la crainte de ne pas retrouver l’être aimé, etc.)
D’où l’impression que le film, décalque inégal mais par instants réussi du premier volet, s’en tient à une redite en-deçà de son modèle. Il faut dire que la mise en scène de Vaughn semble elle aussi piétiner, ressasser ce qu’elle s’est déjà employée à faire, à l’image de ces scènes d’actions en plan-séquence où des corps à moitié numériques (voire dans la diégèse à moitié cybernétiques) virevoltent d’un coin à l’autre dans une chorégraphie dictée par un standard pop.
Si ces « morceaux de bravoure » peinent à convaincre (à l’exception, peut-être, d’une scène dans les Alpes italiennes où les personnages deviennent de purs projectiles), Vaughn retrouve ceci dit un peu de son inspiration lorsqu’il s’attarde sur les nouvelles figures de bande-dessinées qui peuplent ici et là l’univers de Kingsman : Statesman, l’équivalent américain du service secret britannique, Poppy, la méchante jouée par Julianne Moore, mais aussi un président américain qui parodie assez limpidement l’actuel occupant de la Maison Blanche.
C’est peut-être là d’ailleurs que le film trouve son meilleur gag, dans la réponse savoureuse (on n’en dira pas plus) du président des États-Unis à la démoniaque Poppy et son plan pour devenir la plus puissante femme au monde.
Pour le reste, il faudra s’en tenir à un programme honnête mais déjà à bout de souffle, préparant sa suite (le rôle confié à Channing Tatum, sous-exploité pour probablement mieux occuper le feu des projecteurs dans le troisième volet) et s’appuyant sur ses acquis.
8/10