Réalisation : Ken Russell
Origine : Royaume Unis
Genre : Biopic, Drame
Durée : 115 minutes
Date de sortie : Mai 1974
Sortie Blu Ray : 27 Février 2024
Distribution : Robert Powell, Georgina Hale, Lee Montague, Miriam Karlin, Rosalie Crutchley…

 

Le biopic est ingrat, formule éculée au possible, il est complexe de pouvoir le faire évoluer au risque de tomber dans une formule qui hante elle-même celle de la musique, celle de l’artiste déchue en quête de rédemption par la musique. Cet espèce de cliché de l’artiste maudit semble d’ailleurs être ancré à jamais dans l’esprit collectif à n’importe quel art.

                  Ken Russel, enfant terrible du cinéma britannique, fait un choix profondément radical qui en perdra plus d’un mais passionne indéfiniment en adaptant la vie du compositeur Gustav Mahler.

1911, Gustav Mahler, brillamment incarné par  Robert Powell, prend un train et repense à ses démons. Sur le point de mourir, il est pris de cauchemars freudiens et divinatoires qui se mêlent à sa musique.

                  Mahler est indéniablement un film de Ken Russel dans la mesure où son cinéma s’immisce dans l’univers du compositeur au forceps. Le magnifique paradoxe qui en découle est cette osmose qui se met en place entre les deux univers. La musique si mystérieuse de Mahler s’emboîte parfaitement aux rêveries baroques et explosives du cinéaste. Ainsi le film s’ouvre sur une image qui s’imprime dans l’esprit du spectateur, un énorme buste représentant la tête du compositeur est embrassé par une créature féminine sortant d’une chrysalide organique évoquant un papillon. En quelques plans les complexes du personnage sont dévoilés et nous comprenons qu’il se précipite vers une destinée funeste qui le rend prisonnier d’un passé compliqué.

                  Ainsi, le film explore les angoisse lubrique d’un homme qui a peur de perdre sa femme à cause de sa condition de juif. Mahler est mort avant de connaître le nazisme mais les errances antisémites d’un monde en proie à la bête noire de la haine de l’autre sont déjà prégnantes. Russel élabore donc des visions prémonitoire d’une Allemagne en proie à la doctrine d’Hitler. Par exemple lors d’une scène d’enterrement où le compositeur est enterré vivant par des SS accompagnés de sa femme qu’ils séduisent devant lui ébahit par la terreur de ce spectacle macabre. Le cinéaste expérimente dans cette séquence avec une lentille qui transforme l’image en mosaïque multipliant les points de vues. Le baroque se mêle donc à la valse macabre de l’œuvre de Mahler face au cauchemar Wagnérien.

                  Mahler est donc une grande œuvre qui vaut plus le détour tant elle mélange une approche moderne du biopic et de la musique afin d’évoquer des malheurs contemporains. Cette approche évite donc de concevoir le cinéma qui s’intéresse aux pop stars comme quelque chose de déjà vétuste et enterré. C’est tout le paradoxe de ce film funeste qui célèbre à la fois Mahler autant qu’il l’enterre.

Par Nicolas Perreau

 

           Le 27 Février 2024, les éditions BQHL ont eu l’excellente idée de rééditer le film Mahler du génial Ken Russell.

           Film fou, baroque et fascinant, l’histoire prend place en 1911, quand Mahler de retour de Vienne, ne sait pas que ses jours sont comptés. Pendant son voyage, le compositeur se remémore les moments les plus marquants de sa vie, de l’antisemitisme subit pendant son enfance, aux violences de son père, sa femme Alma, et les morts traumatisantes de sa fille et de son frère.

           Ken Russell n’est pas un réalisateur comme les autres, en témoigne sa filmographie : Les Diables, Tommy…

           Cependant son amour pour la musique transpire dans énormément de ses travaux, et finalement le voir adapter la vie de Gustav Mahler semble presque logique tant l’homme était torturé.

         Et la vision de Russell offre peut être, l’un des meilleurs biopic à ce jour. Et certainement le plus halluciné.

           Le film ne se conçoit pas comme une histoire linéaire mais comme des fragments fantasmés, enchaînant magistralement les scènes, toutes plus poétiques et folles les unes que les autres, de la scène d’ouverture où Alma sort de sa chrysalide, à celle où Mahler se convertit au catholicisme, ramenant au cinéma muet, chaque plan, chaque séquence est un tableau vivant, fantasque et envoûtant, toujours, toujours portés par la magnifique musique du compositeur.

       Le film se vit plus qu’il ne se voit et est l’équivalent cinématographique d’un rêve.


Et pourtant, malgré la grandiloquence des scènes, le film reste presque sobre et calme dans sa folie, chaque élément étant parfaitement maîtrisé.

Russell nous offre ici une tragédie moderne, fantasme de la vie d’un homme fascinant et abîmé par la vie, film qui le célèbre et l’éteint, dans un fantastique déluge onirique.

Une sacrée claque, donc, que les éditions BQHL nous propose avec une image impeccable et un son parfait. En bonus, nous trouvons également une présentation du film par Justin Kwedi.

 

Bref, un film magnétique, vivement recommandé.

Par Nicolas Leduc


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