Date de sortie : 19 aout 2021
Développeur : Nomada
Réalisateur : Luis Antonio
Genre : Point and Click

Nationalité : États-Unis
Compositeur : Neil Bones
Disponible sur : Xbox Series, Xbox One et PC

 

 

 

 

 

Piégé dans les couloirs du temps

 

Développé sous l’égide de la maison d’édition Annapurna Interactive, responsable notamment de Outer Wilds ou de What Remains of Edith Finch, Twelve Minutes est le thriller interactif du moment et autant dire que il était très attendu depuis sa présentation lors de l’E3 2019. Bien que les jeux indépendants sont très populaires depuis quelques années, il est rare de voir un jeu de ce type susciter autant d’attentes auprès du public. On en conviendra, Twelve Minutes n’a pas attiré les regards du monde entier uniquement avec son concept mettant en scène un homme piégé dans une boucle temporelle. Il doit sa popularité à son casting cinq étoiles, se payant le luxe de réunir des acteurs en vogue tels que James McAvoy, Daisy Ridley et le grand Willem Dafoe. Un tel casting a provoqué une excitation que l’on retrouve plus généralement pour les jeux à très gros budget et certains se sont rapidement mis a espérer avoir un jeu du registre des productions Quantic Dream. Soyons clair dès le début, Twelve Minutes n’est pas un film interactif. Ce jeu prend certes la forme d’un thriller narratif mais c’est avant tout un Point and Click répondant à toutes les caractéristiques du genre. Ce thriller surnaturel nous fait ainsi suivre le tournant tragique de la soirée d’un couple qui se retrouve face à un inspecteur de police faisant irruption chez eux et qui finit par les tuer après un passage à tabac en règle. Malheureusement pour notre personnage la mort n’est que le début. En effet, à chaque mort le personnage se retrouve propulsé quelques minutes dans le passé, devant faire face encore et encore à ces évènements qui se passent dans un intervalle de 12 minutes jusqu’à ce qu’il arrive à trouver un échappatoire pour empêcher la tragique conclusion de se produire.

Twelve Minutes mort

 

Le toit du monde.

Twelve Minutes se joue en vue du dessus dans un appartement où vivent un homme et sa femme, comprenant le salon principal, le coin cuisine, leur chambre, la penderie et leur salle de bain. Le joueur contrôle le mari lors des événements du jeu, libre de réaliser des actions diverses et variées pour réussir à se sortir des évènements funestes qui attendent nos personnages. Cependant, le joueur ne dispose d’aucune information exacte sur l’objectif à atteindre. Evidemment, le joueur va rapidement comprendre, au fil de cette boucle qui se répète encore et encore, que le but est d’aboutir à un dénouement évitant la mort des personnages mais cela s’avèrera beaucoup plus compliqué que prévu, surtout que la survie n’est pas la seule clé de cette énigme tortueuse. Le soin est ainsi laissé au joueur de comprendre la situation et de trouver un moyen de défaire ce noeud temporelle. Aucun objectif n’est donné, c’est à vous de comprendre ce que vous devez faire pour vous en sortir, c’est à vous de trouver votre chemin au travers du temps. Twelve Minutes est un point and click dans une boucle temporelle. Et cela change beaucoup de choses. Une boucle temporelle, en terme de gameplay, ce n’est pas juste un arrière plan sympathique. Ici ce concept lie parfaitement le Game Design et l’histoire racontée. Le joueur, à l’instar de l’homme qu’il incarne, est le seul à garder en mémoire les évènements des boucles précédentes. C’est cette connaissance qui vous permettra de traverser les évènements du jeu. Autant vous dire que vous allez beaucoup échoué et surtout beaucoup mourir. L’échec occupe une place importante du concept du jeu. Il convient ici d’apprendre de ses échecs et d’organiser les connaissances retirées de chaque échec pour vous approcher de la conclusion jusqu’à la saisir pleinement. Pour ce faire, Luis Antonio fait le pari d’un huis clos minimaliste. Quatre pièces et trois personnages qui n’ont pas d’autres nom que leur fonction, c’est tout ce qui nous est donné pour remonter le long fil de la vérité.

Twelve minutes boucle

Les évènements se décomposent à travers cette boucle évolutive qui n’arrivera pas forcément toujours au bout de ces fameuses 12 minutes. Bien souvent votre personnage goutera à la mort bien avant si vous ne faites pas attention. Pour découvrir tous les ressorts narratifs de l’oeuvre il vous faudra faire preuve de curiosité et de pas mal d’ingéniosité. À chaque échec tout recommence. Vous voilà ainsi replongé dans cet appartement exigu pour un nombre indéfini et potentiellement illimité de tentatives, avec pour seuls signes visibles d’un monde extérieur les ombres de la ville qui se reflètent sur les murs de l’appartement, le tonnerre qui gronde et le bruit des sirènes d’une voiture de police. La vue du dessus, faisant presque du joueur un dieu demiurge qui observe tout depuis les toits est une brillante idée tant elle est bénéfique à cette exploration contre la montre. Il est assez fascinant de constater que un jeu avec si peu de décors et si peu d’interactions possible se révèlent être un puzzle aussi efficace et brillant. Twelve Minutes ne vous permet pas de tout faire, loin de là, mais tout ce qu’il offre comme possibilités est suffisamment bien pensé et utile au déroulé de chaque événement pour que nous n’ayons pratiquement jamais à regretter l’impossibilité d’accomplir telle ou telle action. Tout est là, sous nos yeux, mais encore faut-il comprendre ce qui se joue et comment utiliser savamment les interactions avec et entre les objets du décor, mais aussi avec le duo de personnage en place. D’abord à tâtons, nous progressons rapidement avec détermination dans cette course effrénée contre le temps et faisons face, en même temps que le protagoniste, à un profond désespoir quand la boucle se relance alors que nous étions persuadé d’avoir tout fait correctement. Chaque joueur progressera à son rythme. L’esprit clairvoyant et expérimenté en puzzle trouvera certainement le bout de ce noeud temporel plus rapidement que d’autres joueurs qui piétineront durant des heures sur une situation ardue.

Twelve Minutes Un point dans le temps

Un point dans le temps.

Pour saisir la substance de Twelve Minutes il faut le prendre pour ce qu’il est, à savoir un véritable puzzle. Sous bien des aspects il a même les allures d’un escape game virtuel. Vous disposez d’une multitude d’options et vous allez devoir user de votre réflexion pour vous cacher, piéger le policier, questionner votre femme et tout cela en moins de 12 minutes. Vous allez devoir faire et refaire les boucles, parfois jusqu’au bord de la crise de nerf, en vous demandant quel est l’élément qui vous échappe pour obtenir un détail très mineur mais qui aura son importance dans la résolution finale du mystère. Devez-vous vous cacher ? Attaquer l’homme qui menace votre foyer ? Vous retourner contre votre épouse ? La droguer ? Ou encore bien d’autres actes que le jeu vous laissera le soin de découvrir et d’expérimenter par vous-même, car c’est bien par ce biais là que l’on ressent le génie de ce jeu. Cependant, comme tout puzzle qui se respecte, le jeu va parfois attendre de vous des choses précises, en particulier dans son dernier tier. Vous êtes libres dans la façon dont les choses vont se dérouler mais pour véritablement avancer il conviendra de comprendre ce que le jeu attend de vous pour résoudre l’entièreté d’une situation. Certains y verront une limite dans le concept, d’autres vous diront que chaque pièce à une place qui lui est propre dans un puzzle et que le but est de comprendre comment l’imbriquer correctement avec les autres. Plus on recommence, plus on maitrise la situation et les rouages des évènements qui se déroulent dans cet appartement.  Le fait de débloquer de nouvelles options de dialogues au fur et à mesure des découvertes scénaristique est un excellent point qui permet de progresser de manière ludique dans l’histoire sans avoir l’impression de subir les mêmes dialogues encore et encore alors que le temps nous est compté. Toutefois Twelve Minutes ne brille pas uniquement de par son concept temporelle. L’histoire n’est pas en reste et se révèle incroyablement fascinante et malsaine. Nous ne vous en dirons pas plus mais préparez vous à quelques éléments qui risquent de vous mettre particulièrement mal à l’aise.

Malsain

L’intrigue de Twelves Minutes est vraiment bien amenée et nous happe immédiatement, bien soutenue par une direction artistique minimaliste mais envoutante, des acteurs qui livrent une prestation incroyable en arrivant à rendre vivant ces personnages dont nous ne voyons jamais le visage et une bande son à la fois hypnotisante et mélancholique. Si le titre peut paraître répétitif et redondant lorsque l’on enchaine les première répétitions de la boucle on se rend rapidement compte qu’il nous est impossible de décrocher du jeu. On enchaîne les boucles sans se lasser, toujours en quête d’un petit élément qui fera avancer l’histoire. Le gameplay du titre est très simple, mais optimisé pour les PC. En effet, la navigation sur console, notamment dans l’inventaire du personnage, peut se révéler parfois imprécise à la manette. Vous disposez d’un curseur que vous dirigez avec le joystick gauche et vous devez appuyer sur la touche A à l’endroit où vous souhaitez déplacer votre personnage. Pour interagir avec les objets, vous devez viser ces derniers avec le curseur et appuyer sur A pour les saisir, les utiliser ou les placer dans votre inventaire. Pour utiliser les objets, les combiner entre eux ou les reposer, vous devez vous rendre dans votre inventaire et faire glisser les objets vers les autres personnages ou élément du décor avec lesquels vous souhaitez interagir. Nous pouvons également regretter l’imprécision de certains action à la manette. Dans le feu de l’action il vous arrivera certainement de fermer le verrou d’une porte que vous souhaitiez ouvrir à cause de l’imprécision du curseur, vous faisant ainsi perdre de précieuses secondes dans votre course contre le temps. En terme de temps de jeu vous pouvez compter environs entre quatre heures et cinq heures de jeux pour arriver au bout de l’histoire. Rassurez vous, arriver au bout de l’histoire ne vous empêchera pas de relancer la boucle de vous même afin de tester toutes les situations possible et de pousser le jeu dans ses retranchements. Pour finir le jeu à 100 % et débloquer tous les trophées vous pouvez espérer en avoir pour dix à quinze heures de jeu.

Twelve Minutes, malgré une incroyable pression accumulée sur les épaules, réussit à ne pas décevoir et à convaincre de la pertinence de sa mécanique pour offrir une oeuvre ludiquement fascinante. Alors oui, on ne va pas se mentir, le titre peut parfois souffrir de redondance au fur et à mesure des boucles, notamment avec la répétition de certains dialogues ou de l’amorce de la boucle. Heureusement il est possible de faire passer les dialogues déjà entendus en vitesse accélérée pour passer outre ce qui pourrait s’apparenter à de la monotonie. Toutefois cela ne pèse pas lourd face aux qualités intrinsèques de l’oeuvre tant tous les cas de figure semblent avoir été envisagés, rendant les possibilités tellement nombreuses qu’elles peuvent nous donner un profond sentiment de vertige. Malgré une apparence minimaliste le titre parvient à être terriblement fascinant. Le moindre renouvellement de la boucle, souvent juste pour vérifier une hypothèse ou essayer une piste, fait immédiatement foisonner plus d’une variation dans la tête du joueur qui devient de plus en plus sujet à une curiosité indomptable, l’empêchant ainsi de poser la manette tant les questions pullulent dans tous les sens et que la vérité émerge. Twelve Minutes fait partie de ces jeux qui continuent de tourner dans la tête du joueur, même lorsque la console est éteinte, tant il devient impossible de ne pas imaginer toutes les options offertes par ce champ des possibles vertigineux. Dense, complexe, brillant et terriblement malsain, le bébé de Luis Antonio remporte son pari. Nous avons là un vrai bijoux de narration qui parvient à ne pas oublier d’être un jeu video avant tout, ne cherchant pas bêtement à singer le cinéma. Ici, la narration et le game design forment un tout en parfaite symbiose, nous rappellant que un jeu narratif peut nous narrer des choses sans oublier les caractéristiques ludiques propre à ce médium que nous aimons tant.

 

 

 

 

 

 

 


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