Date de sortie : 22 mai 2019 (2h 09min)
Réalisateur : Guy Ritchie
Acteurs principaux : Mena Massoud, Naomi Watts, Will Smith, Marwan Kenzari
Genre : Aventure, fantastique
Nationalité : Américain
Compositeurs : Alan Menken et Nas Lukas
Dans la lignée des remakes live comme Le Livre de la Jungle et La Belle et la Bête, c’est au tour d’Aladdin de se voir de nouveau porté sur grand écran, sous l’objectif de Guy Ritchie (Arnaques, Crimes et Botanique, Snatch, Sherlock Holmes). S’il s’agit vraisemblablement d’un film de commande pour le réalisateur dont la patte artistique habituelle semble absente, la réalisation est de haute volée et promet une aventure d’une grande intensité. Fidèle au chef-d’œuvre d’origine, il s’en démarque toutefois par l’approfondissement de certaines thématiques, par un agencement différent des séquences déjà connues et par de nombreuses scènes inédites venant enrichir son univers. À commencer par l’introduction, l’histoire étant cette fois-ci racontée sur un bateau par un personnage qui semble être le génie, interprété par Will Smith (Men in Black, Je suis une Légende, Suicide Squad). La réinterprétation de la chanson « Nuits d’Arabie » par le talentueux Anthony Kavanagh annonce d’emblée l’intensité particulièrement forte dans laquelle baigne la narration.
On retrouve la trame scénaristique du dessin animé d’origine avec le passage au marché, les toits, le palais, la Caverne aux Merveilles, la transformation en prince et la confrontation avec Jafar, joué par le charismatique Marwan Kenzari (Seven Sisters, Le Crime de l’Orient-Express, La Momie). Le film présente le scénario différemment et se plaît à jouer avec les connaissances des fans par des changements placés ici et là. Jasmine est par exemple présente au marché dès le début, et semble plus habituée à côtoyer les gens du peuple qu’à l’origine. Elle se lit alors très rapidement à Aladdin et l’accompagne partiellement dans sa fuite avec une interprétation de la chanson « Je vole » pas tout à fait aussi drôle et spectaculaire que dans le dessin animé, mais quand même très efficace dans sa mise en scène façon Prince of Persia. La chanson n’est cette fois-ci pas reprise une fois mais à deux occurrences, la seconde se situant peu avant le dernier acte, renforçant ainsi le background d’Aladdin dans sa remise en question quant à son souhait de devenir prince.
Les acteurs portent très bien leurs personnages, à commencer par Mena Massoud qui interprète un Aladdin crédible voire plus logique dans son évolution car pas aussi facilement sûr de lui dans les situations auxquelles il n’est pas habitué. Le passage le plus frappant à cet égard est sans nul doute celui où il se présente au sultan, suite à une reprise très intense de la chanson « Balkany Prince Ali » malgré un léger cassement de rythme au moment d’ouvrir les portes du palais. De manière bien plus solennelle que dans le dessin animé, et avec la présence directe de Jasmine, Aladdin enchaîne en effet de nombreuses bourdes quant à ses intentions et ses présents.
La présence du génie sous l’apparence d’un humain classique renforce leur complicité et apporte un humour particulier avec ses conseils qui tombent un à un à l’eau, au point qu’il affirme préférer retourner s’ennuyer dans la lampe plutôt que rester dans une situation pas vraiment à son avantage. Will Smith en fait un personnage convaincant, à la fois plus distant dans sa relation avec Aladdin mais aussi terriblement drôle et bien animé. S’il n’est pas aussi poignant que dans le dessin animé, le spectacle « Je suis ton meilleur ami » reste terriblement intense et inventif avec ses quelques paroles changeantes, et une fort sympathique version rap au début du générique final. Leur amitié ne part de rien tandis que le génie affirme considérer un maître comme un ami pour la première fois. Leur scène de désaccord a quelque chose de plus grave et sans humour, le génie allant jusqu’à lui soutenir qu’il lui a brisé le cœur. Le thème des fractures sociales est alors abordé lorsqu’Aladdin dénonce le fait que les gens comme lui n’obtiennent jamais rien sans aide extérieure.
Naomi Scott est très convaincante dans son rôle de Jasmine, en princesse affirmée et perspicace approfondissant le personnage au point de lui accorder une chanson en deux parties, pendant laquelle elle clame haut et fort son droit à la parole en tant que future souveraine, confirmant d’autant plus qu’elle n’est définitivement pas « le premier prix d’une tombola ». La nouvelle scène de la réception gourmande au palais insiste sur l’importance pour Aladdin de rester lui-même et sur le courage dont il doit faire preuve pour aborder Jasmine, le costume de prince ne faisant pas tout. La danse qui s’ensuit offre un spectacle intéressant et exploite l’humour du génie, qui s’amuse à contrôler les pas d’Aladdin avec une certaine excentricité. Personnage créé spécialement pour le film, Dalia est sa servante personnelle et forme avec Jasmine un duo amical qui la laisse moins seule. Mieux encore, le génie semble en pincer pour elle et se voit alors vivre une petite romance en parallèle de celle des deux personnages principaux, la chanson « Ce rêve bleu » étant évidemment présente.
Le sultan est quant à lui bien plus sérieux qu’à l’origine, pour mieux accentuer la gravité de la situation entre Jasmine qui se rebelle alors qu’il se fait vieux et Jafar qui complote dans son dos. Il a d’ailleurs suffisamment d’autorité pour lui rappeler quelle est sa place de second, renforçant ainsi son ambition de renverser le pouvoir. Le background obtient alors un volet davantage militaire : on apprend que Shérazade, déjà nommé par le génie dans le dessin animé au début de sa chanson, est en réalité un autre royaume avec lequel il serait bien de se rallier par un mariage afin d’éviter un éventuel futur conflit. Marwan Kenzari interprète brillamment le personnage froid et sombre que l’on connaît du haut de son imposant costume noir et de sa canne ensorceleuse. S’il n’apparaît pas déguisé en vieil homme dans le cachot, il noue directement un lien avec Aladdin en l’emmenant lui-même dans le désert pour lui parler de l’importance de viser haut. Un parallèle intéressant se dresse alors entre les deux personnages, Jafar affirmant n’être parti de rien en lui faisant subtilement comprendre qu’il était lui aussi qu’un voleur sans ressources.
La gueule de tigre symbolisant l’entrée de la Caverne aux Merveilles est moins impressionnante au pied d’une montagne que cachée en plein désert, et il est dommage que le passage dans cette dernière soit aussi rapide malgré une certaine classe dans l’agencement du trésor et une ambiance dramatique bien présente. Les gardes sont également plus sérieux, notamment leur chef Hakim, bras droit du sultan qui va jusqu’à placer Jafar dans un cachot et même jusqu’à se retourner contre lui lorsque ce dernier a effectué son premier souhait. Son ascension vers le pouvoir prend davantage son temps et se veut en partie plus savoureuse, le souhait de devenir un sorcier n’intervenant cette fois-ci pas tout de suite après. Malgré un charisme digne des meilleurs antagonistes avec un costume désormais rouge, plus aucune chanson ne lui est réservée et sa transformation en serpent est aux abonnés absents (seule l’extrémité de sa canne s’anime deux ou trois fois), point sans doute le plus dommageable du film tellement le tout aurait pu être impressionnant à l’écran. On a tout de même droit à une course poursuite assez intense pendant laquelle les personnages se battent pour récupérer la lampe, avec un Iago ensorcelé ressemblant à un griffon. Impressionnant de bout en bout, Aladdin n’est certes pas aussi excellent que son modèle mais s’impose comme un remake live très inventif qui enrichit toujours plus cet univers du conte des Mille et une Nuits.