Nous poursuivons nos découvertes filmiques et animées au Festival du film d’animation de Bruxelles, le festival Anima. Aujourd’hui, nous voyageons en Europe de l’est avec Ruben Brandt, Collector de Milorad Krstić. Ce dernier est né en Slovénie et vit actuellement à Budapest. Il s’agit du premier long-métrage du réalisateur (après un court-métrage : My Baby Left me, en 1995), qui est aussi artiste-peintre et écrivain.
Pays d’origine : Hongrie
Réalisation : Milorad Krstić
Titre Original : Ruben Brandt, Collector
Durée : 1h36
Ruben Brandt, Collector nous vient de Hongrie et nous livre une histoire pour le moins originale. Ruben Brandt, psychologue reconnu pour sa connaissance de l’art thérapie, se voit contraint de dérober de nombreux tableaux de maîtres pour parvenir à guérir lui-même des maux qui le rongent : des cauchemars terrorisants dans lesquels il est attaqué par ces mêmes œuvres. Avec l’aide de ses amis et patients, il devra parcourir le monde entier, et ses musées, à la recherche de ces toiles qui le font tant souffrir. Car, selon sa théorie, c’est en possédant ses propres craintes que l’on pourrait les vaincre.
Milorad Krstić, présent lors de la projection, a dit avoir voulu réaliser un « film sur l’art qui ne soit pas embêtant ». Le film nous entraîne premièrement dans une enquête policière ; une voleuse, Mimi, a dérobé un éventail au Musée du Louvre. Après s’être s’échappée, elle s’aperçoit être atteinte de cleptomanie et souhaite être soignée par Ruben Brandt. Ce dernier, pourtant, souffre lui aussi. Ses hallucinations et cauchemars, mettent en scène tantôt l’Olympia de Manet, tantôt la Naissance de Venus de Botticelli, et offrent aux spectateurs un basculement, parfois imperceptible, entre le réel et l’irréel.
Ainsi, avec l’art en toile de fond, Ruben Brandt, Collector pourrait se ranger dans divers registres thématiques : film d’enquête policière, d’action, drame, thriller, ou encore fantastique… Ces différentes catégories cinématographiques et les transitions de l’une à l’autre permettent au métrage de ne souffrir d’aucun temps mort. L’on suit avec grand intérêt et amusement ce psychologue qui de soignant devient patient, et ses amis, qui passent de patients à soignants. En nous faisant visiter le monde et les musées avec ses personnages, ce sont aussi des tableaux que Milorad Krstić nous rappelle, ou nous permet de découvrir. De plus, au-delà des chefs-d’œuvre précisément cités qui créent les angoisses de Ruben Brandt, d’autres références à l’art sont plus ou moins dissimulées tout le long du film. Divers groupes ou mouvements, œuvres cinématographiques ou même musicales sont ainsi nommés ou inscrites çà et là et il faudrait plus d’un visionnage pour parvenir à toutes les distinguer et les reconnaître.
Visuellement, le film est indéniablement très réussi. Lors de sa courte présentation, le réalisateur a précisé le fait que lui et son équipe avaient à cœur de ne créer que des images parfaites. Si celles-ci ne l’étaient pas, il fallait recommencer. Cette démarche s’intègre ainsi particulièrement bien dans le sujet de l’œuvre : chaque plan, pris séparément, pourrait être un tableau. En outre, les personnages offrent tous des visuels distincts et démontrent une volonté de « nouvelles » créations éminemment inventives. Des individus en deux ou trois dimensions en rencontrent d’autres, lesquels sont pourvus de plusieurs têtes ou paires d’yeux. Ce choix graphique permet d’ailleurs d’intéressantes expérimentations en ce qui concerne l’animation, les mouvements de ces personnages étant tous particuliers et différents, en fonction de leurs formes. Par ailleurs, la multiplication, ou plus précisément, la duplication, n’est pas que source d’idées visuelles. En effet, le nom du protagoniste principal lui-même est une sorte de contraction entre les noms de deux célèbres peintres : Rubens et Rembrandt. Mimi, la voleuse, se révèle avoir plusieurs identités, notamment celle de … doublure de cinéma. Ainsi, la thématique même du double parcourt l’entièreté du métrage et permet quelques retournements de situations inattendus. Associée à celle-ci et grâce aux rêves du célèbre psychologue, c’est une exploration du subconscient qui nous est donnée à voir, dans tout ce que cela peut avoir d’effrayant ou de traumatisant.
L’imagination artistique et scénaristique est donc bien au rendez-vous et créent un film aux multiples lectures, extrêmement riche thématiquement et visuellement. Il offre également un accès à des œuvres d’art mondialement connues et emblématiques d’une manière ludique, moins austère que pourraient l’être un cours d’histoire de l’art ou une visite au musée. Film policier à la limite du fantastique Ruben Brandt, Collector réussit son pari de livrer un film « sur l’art qui ne soit pas embêtant ». Il semble déjà obtenir un succès critique important. Il le mérite amplement et l’on ne peut qu’espérer une sortie officielle prochainement.
Tous les Films vus à Anima en 2019 (liste en évolution jusqu’au 11 mars)
Virus Tropical
Okko et les fantômes
Mirai, ma petite soeur
Buñuel dans le labyrinthe des tortues
Chris the Swiss
Ruben Brandt, Collector
Tito et les oiseaux
Je veux manger ton pancréas
Another day of life
Penguin Highway
Le Château de Cagliostro
The Tower
Funan
Palmarès