A une époque où cinéma populaire est trop souvent synonyme de médiocrité parce qu’après tout, « on ne va pas au cinéma pour se prendre la tête », le Grand bain – présenté hors compétition à Cannes – sort la tête de l’eau pour donner un grand coup de fraicheur au feel good à la française.
* En racontant une vraie histoire
Pour son premier film à la réalisation, Gilles Lellouche nous raconte une histoire avec un vrai fond : Comment vivre quand on se rend compte que l’on n’a pas réussi sa vie ? Qu’est-ce que l’amitié ? Comment sortir de la dépression ? Si le film suit un schéma assez classique – situation initiale des héros, péripéties pour arriver au but, résolution finale – il le fait avec une vraie maitrise de bout en bout. Les personnages sont suffisamment fouillés et bien écrits pour que l’on s’attache à eux et pour que l’on vive leur évolution, à l’image de ce monologue finale de Marina Foïs à sa sœur qui résume bien à lui tout seul l’une des conclusions du film.
* En réunissant un casting 5 étoiles au service du film
Nous avons connu des films où Poelvoorde prenait toute la place, ou des comédies où les gags n’ont aucune légitimité dans le scénario, ou encore des « films de potes » se transformaient en petits amusements entre amis hermétiques aux autres. Ces écueils sont ici parfaitement évités. Pourtant, faire cohabiter tout ce beau monde (Canet, Almaric, Poelvoorde, Foïs, Effira, Behkti, Katerine, Ivanov, Moati) n’était pas chose aisée mais la magie opère : chacun apporte sa touche tout en restant à sa place. Mention spéciale à Philippe Katerine, bémol à Coach Behkti, parfois un peu lourdingue. Dans ce film-chorale par excellence, chacun a son petit moment sur le devant de la scène, tout se passe en douceur, à l’image de l’ellipse autour du rabibochage des deux anciennes championnes de natation synchronisée.
* En se moquant de tout, surtout de ceux qui se moquent
Nous avons d’abord cru que l’on allait passer les deux heures à se moquer de ses ringards en slip de bain. Dans une vision très moderne du monde actuel, on se rend compte que nous sommes ici dans une critique légère de cette société où l’image prévaut sur tout, et où la compétition fait rage à chaque instant. Au milieu de ce grand bain où la virilité prend un sens inhabituel, nos héros improbables sont tellement vrais qu’ils en sont touchants. Ils s’aiment, sans jugement, sans apparat. Et c’est là que la situation se renverse : on ne se moque plus d’eux, mais on se moque de ceux qui se moquent d’eux. Nous regretterons juste la fin un peu trop too much… Parce que même si Effira le dit très bien « dans la vie on a tous besoin d’une médaille », un peu plus de nuances sur la conclusion aurait été profitable.
En conclusion, si Gilles Lellouche avait été fort critiqué après les Infidèles pour son côté macho et franchouillard, on peut dire qu’il réalise avec le Grand bain un (presque) sans faute, à l’image d’un Franc Dubosc avec « Tout le monde debout ».