MISE A MORT DU CERF SACRE
Complaisant à l’extrême et incapable de se renouveler, Lanthimos racle les fonds de marmites dans un thriller citant maladroitement Pasolini et Kubrick. Difficile de faire plus pontifiant et décérébrant.
Réalisation : Yórgos Lánthimos
Scénario : Yórgos Lánthimos, Efthymis Filippou
Image : Thimios Bakatakis
Décors : Jade Healy
Costumes : Nancy Steiner
Son : Johnnie Burn
Montage : Yorgos Mavropsaridis
Producteur(s) : Ed Guiney, Yórgos Lánthimos
Production : Element Pictures, Film4
Interprétation : Colin Farrell (Steven Murphy), Nicole Kidman (Anna Murphy), Barry Keoghan (Martin), Alicia Silverstone (la mère de Martin), Raffey Cassidy (Kim), Sunny Suljic (Bob Murphy), Bill Camp (Matthew)…
Distributeur : Haut et Court
Date de sortie : 1 novembre 2017
Durée : 2h01
Un brillant chirurgien prend sous son aile un jeune adolescent. Dans un premier temps, ce dernier s’immisce au sein de cette famille et en perturbe progressivement le quotidien. Puis il devient de plus en plus inquiétant, menaçant. Une seule issue possible : un impensable sacrifice.
Si Yorgos Lanthimos avait eu la fâcheuse tendance avec The Lobster à ne faire que reconduire dans le fond un système volontairement absurde de sape des rituels sociaux et petites routines du quotidien – déjà sur-développé dans Canine et Alps – en élargissant le cadre à la société toute entière, la seconde partie du film ouvrait une brèche presque salvatrice et étrangement à fleur de peau.
Fracture hors les murs qui laissait espérer de la part du metteur en scène grec quelque prise de distance avec son concept monomaniaque basé sur la satire sociale et la pure misanthropie, et dont auraient pu bénéficier ses films suivants.
Erreur : avec Mise à mort du cert sacré, Lanthimos reproduit jusqu’à l’écœurement son dispositif de dynamitage des sentiments et émotions. Qu’importe la nature de leurs échanges et communications, les protagonistes de l’univers du réalisateur égrainent toujours les mots sur le même ton monocorde et robotique.
L’affection, le sexe, la consommation ou la mort flottent dans le néant du verbiage ambiant sans qu’âme qui vive ne les différencie. L’idée, toujours, consiste à représenter un monde où la morale n’existe plus et où tout ce qui caractérise l’humanité a depuis longtemps disparu.
Plus emphatique encore que le Lars von Trier d’Antichrist, Lanthimos accueille le spectateur avec un cœur ouvert et palpitant sur fond du réquiem du Gabriel Fauré. Comme dans Faute d’amour, d’Andreï Zviaguintsev, la tendresse est ici devenue une abstraction. On a connu symbole plus subtil.
La suite, pourtant, de Mise à mort du cerf sacré est à l’avenant. Steven, un chirurgien cardiologue émérite dont la carrière est toutefois entachée par quelques erreurs passées, prend sous son aile Martin, un adolescent qui va s’immiscer insidieusement dans sa vie personnelle – comme dans Théorème ou Dans la Maison. Une lente et inexorable contamination qui va orienter le film vers une sorte de post-Funny Games – le rapprochement avec Haneke apparaît comme si surligné qu’il finit par sonner comme une recherche désespérée de légitimité.
Le travail sur le cadrage ou la composition ne doit pas aussi faire oublier l’essentiel ici : le réalisateur, dans une optique purement complaisante et atrabilaire, réserve au spectateur la même sympathie qu’il attache au genre humain. C’est faire fausse route que d’affirmer qu’il s’agit là d’une posture radicale et reposant sur un socle théorique digne de ce nom. Car tout ici renvoie sur du vide.
Nauséabond, le regard que porte Lanthimos sur la société et la famille – en cela, Mise à mort du cerf sacré condense The Lobster et Canine – ne lui sert en définitive qu’à traduire l’équité ou le pardon par une mise à mort. Il n’y a là aucune réflexion de fond sinon la figuration d’un nihilisme totalement mainstream et infécond.
Certains chercheront à sauver l’ensemble en s’appuyant sur quelques plans et musiques contemporaines prélevés notamment dans le Eyes Wide Shut de Stanley Kubrick.
Une caution opportuniste nourrie par la figure thaumaturgique de Nicole Kidman, qui rend le dénuement de l’œuvre d’autant plus flagrant.
Première heure et demi : 0/10
De l’heure et demi à la deuxième heure : 8/10
Dernier quart d’heure : 10/10
Film : 2/10