Date de sortie : 10 décembre 2008 (États-Unis),
15 juillet 2009 (France)
Réalisateur : Stephen Daldry
Acteurs principaux : David Kross, Kate Winslet, Ralph Fiennes, Bruno Ganz
Genre : Drame
Nationalité : Américain
Compositeur : Nico Muhly
J’avais quinze ans. Un jour en rentrant du lycée, je me suis senti mal, et une femme m’a aidé…
Adaptation du roman Le Liseur de Bernhard Schlink par Stephen Daldry (Billy Elliot, The Hours), The Reader est un drame poignant se situant dans la République Fédérale Allemande des années 1950. Kate Winslet (Titanic, Eternal Sunshine of the Spotless Mind, Les Noces Rebelles) y interprète le rôle d’Hanna Schmitz, une contrôleuse de tramway venant en aide à Michael Berg, un adolescent en proie à une maladie grave alors qu’il s’égarait dans sa rue. La narration effectue de nombreux va-et-vient entre différentes époques, en partant de la vie de Michael alors homme d’âge mûr sous les traits de Ralph Fiennes (Harry Potter et la Coupe de Feu, Skyfall, The King’s Man Première Mission). Joué par le talentueux David Kross, le jeune Michael revient voir sa guérisseuse une fois sauvé et ne semble pas indifférent à sa beauté tandis qu’il l’observe en train de s’habiller. Il n’en faut pas plus pour qu’une liaison passionnelle s’installe entre eux malgré leur importante différence d’âge, ce qui donne d’ailleurs lieu à un nombre un peu trop excessif de scènes de nudité qui ne brillent pas vraiment par leur réalisme.
Lycéen érudit, Michael ramène régulièrement des livres et fait la lecture à haute voix pour Hanna, intriguée par un tel savoir-faire. Mais cette relation secrète est loin d’être simple et la rigidité du caractère d’Hanna provoque plusieurs disputes, jusqu’à ce qu’elle finisse par disparaître, laissant Michael dans une peine qui le marquera à vie (« Tu n’as pas le pouvoir de me faire de la peine, tu ne comptes pas assez pour me faire de la peine. »). Étudiant en droit à l’université, il suit avec attention les cours du professeur Rohl, interprété par Bruno Ganz, connu pour son rôle d’Hitler dans La Chute. Alors que sa formation l’amène à assister à un procès de criminelles de guerre, c’est avec stupéfaction qu’il y découvre Hanna parmi les femmes accusées d’avoir envoyé des juives à une mort certaine. S’ensuit alors une importante réflexion sur le sens de la culpabilité, circonstance dans laquelle il est rappelé que le droit à un rôle prépondérant, et que la loi est là pour faire respecter des principes (« Ce que nous pensons n’a aucune importance : ce qui compte, c’est ce que nous faisons. »).
Terriblement éprouvant, The Reader dévoile la culpabilité que ressent Hanna par sa manière d’être méfiante et rigide, tandis qu’elle tente de se libérer de cet énorme poids par cette initiation sensuelle et amoureuse qu’elle partage avec Michael. Comme une façon de se pardonner à elle-même en faisant le bien tout en s’affranchissant par le sexe et l’extase du phrasé de son amant. Car son plus grand fardeau est en réalité d’être analphabète, ce qui l’avait obligée à quitter un travail pour être gardienne à Auschwitz. Ses anciennes collègues profitant de sa faiblesse pour lui faire porter le chapeau afin de mieux s’en sortir, la honte est telle qu’elle préfère une condamnation à perpétuité plutôt que d’avouer qu’elle ne sait ni lire ni écrire, ne cherchant pas à être innocentée. Devenu un homme sentimentalement perturbé, Michael se sent parallèlement coupable d’avoir aimé une criminelle, ce qui enrichit considérablement la complexité de son personnage et la relation qu’il entretient avec sa fille, menant à une scène touchante à la toute fin.
Plus largement, la balance judiciaire souligne la culpabilité collective d’un pays qui s’est tu alors qu’il connaissait l’existence des camps, par rapport à la culpabilité individuelle des gardiens qui ont été enrôlés par le nazisme pour gagner leur vie. Auréolé d’un superbe jeu d’acteurs, de musiques d’une grande intensité dramatique et d’un maquillage bluffant pour représenter Hanna âgée, The Reader reçoit d’abord un accueil difficile vu la sensibilité du sujet traité. S’il a pu être jugé que l’enchaînement du plan de la cellule de prison d’Hanna avec celle de l’appartement new-yorkais de la femme juive ayant survécu au camp n’est pas du meilleur goût, il place au contraire Hanna comme victime collatérale du système, et montre qu’une survivante a pu regagner sa liberté tout en acceptant de lutter contre l’illettrisme en utilisant les économies d’Hanna à cet égard. Ce qui n’a pas empêché Kate Winslet d’obtenir l’Oscar, le Golden Globe et le BAFTA de la meilleure actrice pour son excellente interprétation.