Wardi (The Tower, en version originale) est l’avant-dernier film que nous avons vu lors du Festival Anima. Il s’agit d’une coproduction la Norvège, la Suède et la Palestine. L’histoire se déroule dans un camp de réfugiés palestiniens, au Liban. S’il peut sembler étonnant qu’un réalisateur norvégien décide de relater l’histoire d’une famille de réfugiés, et plus globalement les conséquences du conflit israélo-palestinien de ses débuts à nos jours, cela est expliqué par le fait que Mats Grorud a enseigné dans ces camps. Il a donc souhaité raconter le vécu de celles et ceux qu’il y avait croisés. Wardi condense ainsi différents témoignages recueillis par le cinéaste, dont c’est le premier long-métrage.

Origine : Norvège, Suède, France, Palestine
Titre original : The Tower
Réalisateur : Mats Grorud
Genre : Drame, Famille, Guerre, Historique
Durée : 1h14
Date de sortie française : 27 février 2019
Musique : Nathanaël Bergèse

Wardi est une petite fille à la chevelure indomptable vivant à Beyrouth, au Liban, avec sa famille dans un camp de réfugiés. Un jour, sans arrière-grand-père, sachant que la mort se rapproche, lui confie la clef de la maison familiale que lui et sa famille avaient été forcés d’abandonner en 1948, jour de la Nakba, autrement dit « la catastrophe ». Wardi y voit le signe que Sidi, son arrière-grand-père, a perdu tout espoir et aura à cœur de lui en redonner. On la suivra donc, parcourant la maison familiale, une sorte de tour sur laquelle s’entassent différentes générations, à la recherche de cet « espoir perdu ». Au fil de ses rencontres et de ses discussions, c’est l’historique du conflit et l’histoire de ces réfugiés qui prendront forme sous nos yeux. Depuis l’exil de son arrière-grand-père en 1948 jusqu’à nos jours, en abordant les récits particuliers de ses grands-parents, de ses oncles et tantes ou cousins, chaque destinée individuelle forme une plus large histoire. Chaque personnage rencontré détient ses propres particularités, issues de son propre vécu, qui le rendent toujours attachant.

Le film de Mats Grorud est une création hybride qui mêle stop-motion et images animées. La période présente nous sera contée à l’aide de « poupées » animées, tandis que les incursions dans le passé prendront la forme de dessins plus « classiques ».
Les figurines sont très belles et particulièrement expressives, grâce à leurs grands yeux très mobiles. De plus, un soin particulier a été apporté aux actions se déroulant en arrière-plan. En effet, lorsque Wardi parcourt la tour et ses escaliers, des personnages sont montrés à chaque étage effectuant des tâches quotidiennes. Si celles-ci sont assez sommaires (étendre du linge, par exemple), elles témoignent d’une volonté de détailler l’environnement et de ne rien laisser au hasard. Elles confèrent par ailleurs une véritable vie au métrage et offrent une vision réaliste de la manière dont s’organisent les vies dans cette ville.
Les dessins animés en eux-mêmes sont créés sous forme d’aplats de couleurs. Si notre préférence en matière de goût visuel va au stop-motion, magnifique, les transitions d’une technique à l’autre sont très bien orchestrées et permettent d’organiser les événements.

Entre ces deux méthodes s’intercalent à un certain moment quelques photographies réelles. Celles-ci, présentées dans un album photo familial, permettent de placer l’histoire dans toute sa réalité et son actualité. Ce procédé nous rappelle ainsi frontalement que ce ne sont ni des figurines ni des dessins dont l’on nous raconte le passé et le présent, mais bien des personnes véritables qui vivent à quelques milliers de kilomètres de nous.

Bien que le film raconte la vie de Wardi et épouse son point de vue, nous estimons que le titre original rendait davantage honneur aux choix scénaristiques, et visuels, effectués. En effet, « The Tower », la tour, est le lieu où prennent place chaque rencontre et donc chaque « morceau de vie » entendu par Wardi. Assez simplement, chaque étage formule une partie de famille et par conséquent une partie de leurs souvenirs, de leur histoire commune, en somme. Cette « tour » est donc le lieu d’actions du film et en devient presque un personnage, liés à tous les autres. Qu’elle en soit le titre était donc parfaitement judicieux.

La musique originale qui accompagne Wardi est composée par le Français Nathanaël Bergèse et offre des partitions totalement adaptées aux événements ; certains moments de joie, d’autres de peine ou de peur.

Enfin, grâce à la simplicité efficace qui le caractérise, le film s’avère assez didactique et aisément compréhensible dans sa retranscription de différents évènements ayant mené à la situation actuelle. Aussi, malgré quelques images un peu dérangeantes et un sujet évidemment tragique et difficile, il conviendra certainement à un public plus jeune.

Une nouvelle fois, la « petite histoire », celle de la famille de Wardi, rejoint la grande Histoire. Néanmoins, Wardi n’est pas qu’un film sur la guerre ou le statut des réfugiés, c’est également un film sur les traditions, les générations, l’héritage et la transmission. En suivant la quête d’espoir de son personnage principal, il questionne le monde et le spectateur sur ce que l’on est et d’où l’on vient. Ainsi, malgré la complexité de son contexte et tout en n’évitant pas d’aborder des événements meurtriers, Wardi parvient à conserver une certaine tendresse et est, à n’en point douter, un film très beau.

Le sujet du film, la manière de le transmettre, l’articulation intelligente des récits entre eux et les différentes techniques d’animation qui le constituent en font un objet filmique original qui mériterait davantage de visibilité.

 

Tous les Films vus à Anima en 2019 (liste en évolution jusqu’au 11 mars)

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Okko et les fantômes
Mirai, ma petite soeur
Buñuel dans le labyrinthe des tortues
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Ruben Brandt, Collector
Tito et les Oiseaux
I want to eat your pancreas
Another day of life
Le Château de Cagliostro
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The Tower
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