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Vance Venner

Vance Venner
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Lecteur, spectateur et rédacteur. Je vais encore au cinéma (mais moins qu'avant, c'est vrai), le reste du temps je profite d'une bonne installation pour visionner films et séries de tous genres avec une prédilection pour la SF. "Mon Dieu, c'est plein d'étoiles !"

Carol de Todd Haynes [édition limitée]

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Affiche de la sortie ciné
  • Titre original : Carol

    Affiche de la sortie ciné
  • Date de sortie en salles : 13 janvier 2016 avec UGC
  • Date de sortie en vidéo : 22 avril 2016 avec TF1 vidéo
  • Réalisation : Todd Haynes
  • Distribution : Cate Blanchett, Rooney Mara & Sarah Paulson
  • Scénario : Phyllis Nagy d’après le roman the Prince of Salt de Patricia Highsmith
  • Photographie : Ed Lachman
  • Musique : Carter Burwell
  • Support : Blu-ray Bubbelpop 2025 UHD 4K en 1,85 :1 /118 min

À l’occasion du dixième anniversaire de la sortie française de Carol, ce film multi-primé qui est devenu l’un des étendards de la mouvance LGBTQ, les éditions Bubbelpop avaient à cœur de produire un objet de collection, aussi précieux que riche en contenu, à la hauteur de ce que représente pour beaucoup ce métrage d’une élégance indiscutable.

C’est chose faite avec ce coffret collector 4K sorti le 2 décembre 2025, présenté dans un nouveau fourreau et proposant, outre le disque UHD bénéficiant de la première remastérisation du film, deux blu-rays supplémentaires, l’un disposant des bonus d’époque, l’autre de nouveaux éléments conçus expressément pour cette sortie :

  • Carol par Stephen Woolley – 23min30
  • Carol par Elizabeth Karlsen – 21min
  • Carol par Christine Vachon – 7min30
  • Carol par Sandy Powell – 20min30
  • Carol par Morag Ross – 20min45
  • Le financement – 9min36
  • Le roman – 6min40
  • Le commencement – 13min52
  • La rencontre d’Elizabeth et Christine – 2min30
  • Happy Birthday – 3min36
  • Making of – 17min
  • Interview de Todd Haynes – 45min
  • Interview de Cate Blanchett – 14min
  • Interview de Rooney Mara – 8min
  • Interview du chef opérateur Edward Lachman – 7min
  • Interview de la productrice Christine Vachon – 6min

Le tout complété par 1 superbe livret de cent pages contenant des interviews exclusives ainsi que des goodies (cartes postales et une affiche). La FNAC mettra en vente une édition encore plus exclusive dans un magnifique étui rouge débordant de présents :

Édition limitée FNAC

 

À présent, parlons du film en lui-même, car même s’il a rencontré le succès (la standing ovation de dix minutes à Cannes et le prix d’interprétation pour Rooney Mara ayant aidé), nombreux sont ceux qui ne l’ont pas encore vu. On aura vite compris (les visuels sont probants) qu’il évoque une romance entre deux femmes, mais allons-y voir d’un peu plus près.

On est à New-York, peu après la fin de la Seconde Guerre mondiale : l’Amérique panse ses plaies et s’apprête à fêter Noël. Carol, bourgeoise fortunée en instance de divorce, fréquente les rayons pour enfants d’un grand magasin (un succédané de Bloomingdale’s pour ceux qui connaissent). Son regard accroche celui de Thérèse, jeune femme rêvant de devenir photographe mais forcée de travailler comme vendeuse, car il faut bien vivre, n’est-ce pas ? Celle-ci recommande un jouet pour la fille de Carol qui la remercie pour le conseil et repart en oubliant ses gants. Thérèse les lui enverra par la poste avec un petit mot gentil… et c’est le début d’une relation qui va devenir de plus en plus évidente pour elles deux, de plus en plus passionnée malgré le regard des autres, la pression sociétale et les menaces d’un mari qui exige de sa femme qu’elle soit à ses côtés pour les fêtes, en famille, auprès de leur fille.

Todd Haynes a choisi très vite de filmer en Super 16 afin de coller au contexte du roman initial, une histoire autobiographique que Patricia Highsmith a dû publier sous un nom d’emprunt (sous le titre the Prince of Salt) et qui a mis du temps avant de trouver une adaptation digne de ce nom – et l’on s’aperçoit très vite que toute la mécanique tourne autour du visage de ces deux femmes que tout oppose. Phyllis Nagy, la scénariste, en témoigne ainsi dans son interview avec Rania Griffete :

Le film est d’une précision extrême et exige que chaque scène le soit aussi.

Bien aidé par son chef opérateur Ed Lachman, Haynes privilégie les plans rapprochés, les gros voire très gros plans où sa caméra effleure les courbes des visages, capte l’étincelle dans les regards, le plissement des commissures, les prémisses d’un sourire ou l’évocation des prochaines larmes. C’est filmé avec une sensibilité remarquable, sans heurt ni à-coups, sans rechercher le choc ou la sensation – et pourtant certaines scènes nous font mal, nous séduisent ou nous entraînent dans le tourbillon d’un désir qui refuse de s’avouer. Revoir le film en Ultra HD est révélateur du magnifique travail sur la photo, ces figures qui apparaissent derrière les vitres sur lesquelles ruisselle la pluie ou sur les photographies que la jolie Thérèse révèle dans son petit laboratoire.

La partition mélancolique tout en nuances de Carter Burwell s’accorde à merveille avec les émotions qui jouent à cache-cache, accompagnant chaque flocon de neige comme chaque larme, chaque pas précautionneux dans cet avenir incertain que ces deux femmes désirent contre l’avis des autres.

Mais on aura beau saluer le fantastique travail de mise en scène, la majeure partie de l’éclat du film provient de la performance des deux comédiennes. Cate Blanchett interprète le rôle-titre (pourtant elle apparaît moins souvent à l’écran que sa partenaire) : digne, terriblement élégante dans ses tenues ajustées, elle semble perpétuellement échappée d’un cocktail d’aristocrates et s’évertue de conserver au maximum cette raideur un peu guindée qu’on attribue aux grands de ce monde. Son phrasé est distingué, un poil hiératique et son ton laisse parfois échapper ces petits soupirs légèrement dédaigneux qui agacent chez les fortunés. Pourtant, face au gentil minois de Thérèse, elle fond. Oh, certes, la dame va conserver toute sa dignité en apparence, mais c’est dans ses petits silences soudains, ces étincelles qui naissent dans ses iris que l’on comprend qu’elle est conquise d’avance.

Conquise par Rooney Mara. Oeil de biche et sourire aussi mutin que la frange. La demoiselle est en couple sans l’être : son boyfriend envisage de l’emmener en Europe mais elle ne sait pas encore si elle dira oui. Elle vit dans un entre-deux et nourrit discrètement sa passion que personne ne soutient, sauf son futur beau-frère qui en profite pour la draguer très maladroitement. Elle se refusera à lui sans brusquerie (mais sans non plus être catégorique). C’est avec Carol que quelque chose enfin devient certain dans sa vie : elle aime cette femme. Quoi qu’on en dise. Quoi qu’on en pense. Et tant pis pour la différence de classes ou d’âge. Et Rooney incarne à la perfection cette jeune femme en transition, qui jusque lors avait simplement navigué sur les eaux incertaines de la vie new-yorkaise, et qui s’apprête à plonger dans cette relation que personne ne soutient en dehors d’Abby, la marraine de la fille de Carol et son ancienne amante.

Un film fort et sensible, d’une très rare élégance de ton, servi par une équipe artistique exemplaire et deux actrices en lévitation. Une oeuvre qui s’obstine à :

Révéler la vérité mouvante du désir, toujours partagé, toujours instable.

Extrait du livret de l’édition limitée.